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une population d’origine européenne, chrétienne et protestante, vouée à la vie patriarcale des pasteurs, morale, énergique et brave, déjà maîtresse par ses seuls efforts d’une partie considérable du pays, et dont un gouvernement habile aurait dû se faire un instrument de conquête ou tout au moins de défense. Il y avait d’ailleurs long-temps qu’elle suffisait par elle-même à ce double rôle. Eh bien ! au lieu de se concilier cette population excellente et respectable à tous égards, l’Angleterre se l’est aliénée, aliénée jusqu’à la révolte, jusqu’à l’émigration en masse. Poussés à bout, hommes, femmes, enfans, vieillards, vingt ou vingt-cinq mille ames peut-être, ont fini par abandonner leur patrie, leurs biens, leurs foyers, pour se lancer à la garde de la Providence dans les profondeurs de l’Afrique centrale. Poursuivis par les armes, par les lois et par les adjonctions de territoire, ils s’enfoncent encore aujourd’hui et toujours plus avant dans ces régions inconnues, ne voulant écouter aucune promesse de paix et d’amnistie, mais emportant avec eux l’implacable ressentiment des injustices dont ils croient avoir à se plaindre.

Certes nous n’avons rien fait de pareil en Algérie. Et quant à l’ennemi extérieur qu’il faut soumettre, qui comparera jamais les Arabes et les Kabyles aux Cafres et aux Hottentots ? On compte soixante-dix ou quatre-vingt mille Cafres dans la Cafrerie proprement dite, et à peine autant dans les pays qui bordent le territoire colonial, tandis qu’Arabes et Kabyles forment une population de quatre ou de cinq millions d’ames, représentant plus de cinq cent mille combattans dans un pays où tout le monde est soldat, sachant fabriquer des armes et de la poudre, ayant d’ailleurs à portée, par le Maroc et Tunis, Malte et Gibraltar pour s’approvisionner. Les Cafres, au contraire, ceux que combat en ce moment sir Harry Smith, n’ont guère, au dire des pièces soumises au parlement, que cinq ou six mille mousquets qu’ils sont incapables de réparer. C’est depuis quelques années seulement qu’ils ont compris qu’on pouvait tirer quelque parti du cheval ; mais on ne pense pas qu’il y ait deux mille cavaliers parmi eux. De pareils ennemis, des guerriers aussi mal outillés, ne sauraient être bien redoutables en tant que soldats sur le champ de bataille ; aussi la guerre n’est-elle, à proprement parler, pour eux qu’une occasion de rapines. Comme voleurs,