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Le troisième grief des familles hollandaises était, je l’ai dit, la lenteur apportée par l’administration anglaise à la légalisation et à la délivrance des titres de propriété. Sous l’administration indulgente, mais relâchée de la Hollande, avec une population très peu nombreuse et un territoire immense, les terres dont le gouvernement restait le propriétaire nominal n’étaient guère occupées qu’à titre de loan farms (fermes d’emprunt, fermes louées), pour lesquelles on payait une légère redevance qui composait, avec le petit revenu de la douane, les recettes peu considérables, mais suffisantes, du trésor colonial. Aux termes du contrat, la concession, qui, dans bien des cas d’ailleurs, n’avait jamais été faite d’une manière authentique, était révocable par suite de non paiement d’une seule année de fermage ; mais il est inutile d’ajouter que ce droit n’avait été que très rarement, n’avait peut-être jamais été appliqué, et qu’en vertu d’un long usage, les fermiers avaient fini par se considérer, non pas seulement comme des usufruitiers, mais comme les propriétaires légitimes du fonds. Les Hollandais avaient pu vivre pendant un siècle et demi dans cette situation peu régulière ; mais c’était un régime que les Anglais, avec leur passion pour l’inviolabilité de la propriété, ne pouvaient pas maintenir. Ils voulurent, dès les premiers jours de leur établissement, mettre leurs nouveaux sujets dans une position plus normale, plus sûre, et ils entreprirent de convertir les loan farms en perpetual quit rents, en rentes perpétuelles assimilées aux impôts, et dont le paiement vaudrait quittance. La conversion était dans l’intérêt bien entendu de la colonie ; mais cette opération, qui frappait de déchéance les anciens titres, nécessitait et un cadastre du pays et une série de formalités administratives avant que l’on pût procéder à la délivrance des titres nouveaux. Il importait de sortir au plus tôt de cette situation équivoque. Or, sur ce point, l’activité ordinaire de l’administration anglaise fit malheureusement défaut : aujourd’hui encore, en 1851, il y a des districts dépendant de l’ancien territoire colonial où les titres de propriété n’ont pas encore pu être régulièrement délivrés aux habitans, et, dans les nouvelles adjonctions faites à la colonie, dans les parties récemment occupées, presque tout est encore à faire. C’est là un des griefs qui se représentent le plus souvent, et avec le plus de vivacité, dans les interminables doléances des Boers, et c’est un grief dont on ne peut méconnaître la gravité.

Telles étaient les causes secondaires d’irritation parmi les Boers ; voici maintenant les principales. À l’époque où l’Angleterre prenait possession de la colonie, Wilberforce avait déjà conquis droit de cité