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qu’ils imaginèrent que le gouvernement ne pourrait plus se dispenser de venir à leur secours, et que, s’il ne prenait pas leur parti, il leur rendrait au moins justice ; ils se trompaient. Toutefois il fallut quelque temps pour dissiper cette erreur. Le gouverneur, sir Benjamin d’Urban, qui avait pu apprécier la justice de leurs doléances, qui avait combattu avec eux, qui les connaissait et les aimait, n’avait pas plus tôt reçu la soumission des Cafres, que de son autorité privée il décrétait l’annexion à la colonie du territoire compris entre le Fish-River et le Grand-Kei, donnait à cette nouvelle province le nom de la reine régnante, et en interdisait le séjour aux Cafres, ordonnait et commençait sur le Buffalo-River, dont le cours partage ce territoire presque en deux parties égales, la construction de postes militaires, qui sont devenus plus tard King’s William Town, les forts Murray, Grey, London, etc. Pour appuyer ces positions, pour assurer ses communications avec elles, il procédait à l’établissement entre le Fish et le Buffalo-River de Hottentots qui venaient de se montrer fidèles à la cause de la colonie, et de Fingoes, débris d’une ancienne tribu qui, après avoir long-temps vécu en esclavage chez les Cafres, étaient venus chercher la liberté sous la protection de l’Angleterre. Le résultat de ces dispositions était de rejeter les Cafres bien loin dans l’est jusqu’au Grand-Kei, de laisser entre ce fleuve et le Buffalo-River un espace qui devait rester inhabité, d’établir sur les rives du Buffalo une ligne de défense, et derrière elle, dans le cas où elle serait forcée, une population noire qui aurait à supporter le premier effort de l’invasion, donnerait au moins, par sa résistance, le temps de venir à son secours, et protégerait enfin la colonie contre le retour de calamités pareilles à celles qu’on venait de subir encore une fois.

La colonie se croyait sauvée ; elle était dans la joie. À tous ces beaux arrangemens, il ne manquait, en effet, que la sanction de l’autorité métropolitaine, et qui pouvait croire qu’enfin elle ne cèderait pas ? Il n’en fut rien cependant. C’était le temps où nous entendions encore dans les chambres françaises tant de discours sur les mérites de l’occupation restreinte en Algérie, et les politiques de l’Angleterre blâmèrent assez vivement le système de sir Benjamin d’Urban, système de l’occupation illimitée, ou du moins représenté comme tel ; mais les politiques, c’eût été peu de chose encore, si toutes les sociétés religieuses et philanthropiques ne fussent venues à leur aide. Le gouvernement hésita d’abord, mais finit par céder à la pression. En 1836, le secrétaire d’état au département des colonies, lord Glenelg, un nom encore vénéré parmi les philanthropes de la Grande-Bretagne, mais resté impopulaire au Cap, écrivait à sir Benjamin d’Urban pour lui annoncer que le gouvernement venait d’annuler et considérait comme non avenu tout ce qui avait été fait, lui enjoignait de renoncer à la province Adélaïde,