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nombre d’entre eux, des veuves surtout, ruinées par Dingaan, ne vivent que de la charité publique.

« On a établi plusieurs écoles, et les parens se plaignent de ce que le manque de locaux convenables empêche les maîtres de recevoir autant d’élèves qu’on voudrait leur en envoyer. D’autres sont forcés par la misère de veiller les troupeaux de leurs parens, et ne peuvent recevoir qu’une très défectueuse éducation. Quelques parens instruisent eux-mêmes leurs enfans.

« On voit parmi les émigrans un assez grand nombre d’apprentis, anciens esclaves ; mais, à leur égard, il a été ordonné par le conseil qu’ils seraient mis en liberté définitive le 1er décembre prochain, c’est-à-dire le même jour que dans la colonie. Les émigrans ne paraissent songer aucunement à faire le trafic des noirs, comme ils en sont si injustement accusés par leurs ennemis, et ils s’offensent quand on les questionne sur ce sujet : « Nous ne sommes pas hostiles à l’émancipation des esclaves, disent-ils ; ce ne sont pas les colons qui ont jamais fait la traite, ce sont les gouvernemens européens qui nous ont imposé ce fléau ; ce dont nous nous plaignons, c’est que l’Angleterre, en émancipant nos esclaves, nous avait promis une équitable indemnité, tandis qu’elle ne nous a pas remboursé le tiers de ce qu’elle nous a ôté. »

Que l’on compare ce récit avec tous ceux qui nous sont venus de la Californie, où cependant, il faut le reconnaître, la race anglo-saxonne a déployé avec une singulière énergie sa merveilleuse aptitude au self government, et on ne pourra contester que les Boers possèdent encore à un degré supérieur l’ensemble de qualités morales nécessaires pour assurer le maintien de l’ordre dans tout état de société.


III

Cependant, tandis que les émigrés hollandais perfectionnaient leur gouvernement intérieur, le temps s’écoulait, et le retour de la belle saison rendait la mobilité à leurs colonnes guerrières. Un commando fut décrété pour tirer enfin vengeance de la trahison de Dingaan, et, le 27 novembre 1838, quatre cent soixante-dix hommes bien montés, suivis de cinquante-sept chariots, entraient en campagne sous le commandement de A.-P.-W. Praetorius, qui, un mois plus tard, rendait ainsi compte au conseil exécutif des résultats de l’expédition.

Umkinglove, capitale de Dingaan, le 22 décembre 1838.

« Messieurs, je viens vous rendre compte de ce qu’a fait notre commando. Aussitôt après que le peuple, réuni pour une élection générale, m’eut nommé commandant en chef, nous partîmes pour aller chercher cet ennemi formidable, ne nous confiant pas dans notre force, — car nous n’étions pas plus de quatre cent soixante-dix hommes, — mais dans la justice de notre cause. Notre seule espérance était en Dieu, et le résultat a prouvé que « celui qui place sa con« fiance dans le grand Dieu verra qu’il n’a pas bâti sur le sable. »

« Pendant les premiers jours, nous fîmes quelques prisonniers, à qui je remis