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des drapeaux blancs en témoignage de notre désir de faire la paix, et avec l’ordre d’aller trouver leur roi, et de lui dire que, s’il voulait nous rendre d’abord les chevaux et les armes qu’il avait enlevés à nos concitoyens, nous étions tout prêts à commencer des négociations pacifiques ; mais je ne reçus aucune réponse. Cependant nous avancions toujours, et le samedi 15 décembre, sur le soir, nous eûmes enfin connaissance de l’armée ennemie, que nous trouvâmes campée sur une montagne de difficile accès.

« J’allai moi-même la reconnaître avec un parti de deux cents hommes ; mais, ne voulant rien tenter d’important avec aussi peu de monde, je rentrai au camp. Le lendemain dimanche, nous nous proposions de ne pas bouger afin de pouvoir remplir nos devoirs religieux ; mais dès le malin nous vîmes que nous étions entourés par une multitude que nous crûmes d’abord représenter toute l’armée des Zoulous. Le combat s’engagea aussitôt. Les Zoulous avaient quelques fusils, et donnèrent bravement plusieurs assauts. Quand ils étaient repoussés, ils allaient se reformer à quelque distance, et revenaient à la charge. Il y avait déjà deux heures qu’ils combattaient ainsi sans abandonner le terrain, lorsqu’ils reçurent un renfort de cinq divisions.

« Vous vous feriez difficilement une idée de la scène qui nous entourait alors. Il fallait certes beaucoup d’empire sur soi pour ne pas laisser voir sur son visage les émotions qui devaient assaillir tous les coeurs. Jugeant que rien ne pouvait nous sauver que le courage du désespoir, je donnai l’ordre d’ouvrir à la fois les quatre portes du camp, je fis charger vigoureusement par quelques-uns de nos cavaliers lancés au galop, tandis que ceux de l’intérieur continuaient à faire un feu meurtrier sur l’ennemi. Les barbares reçurent nos charges de pied ferme pendant quelque temps ; mais enfin, voyant leurs rangs s’éclaircir rapidement, ils se sauvèrent dans toutes les directions. Je les fis poursuivre par autant de nos cavaliers qu’il fut possible d’en dépêcher sans compromettre la sûreté du camp ; puis, ayant pris mes dernières mesures, je m’élançai moi-même à la poursuite de l’ennemi. Notre victoire était complète, nous n’avions pas perdu un seul homme et nous ne comptions que trois blessés, Gerrit Raats, Philip Fourie, et’ moi qui ai eu la main gauche traversées d’un coup de lance.

« Le lendemain, nous reprîmes notre marche, et nous sommes arrivés ici aujourd’hui. Hier, à notre approche, Dingaan a ordonné de brûler sa capitale, et son palais a été consumé dans l’incendie. Nous avons appris par deux femmes zoulous que l’un des capitaines de Dingaan qui ne s’était pas trouvé à la bataille avait proposé de recommencer l’attaque contre nous, mais que les autres s’y étaient refusés, disant que leurs hommes étaient morts ou en fuite. Le résultat de tout cela a été la retraite précipitée de l’ennemi. Après la bataille, j’ordonnai de relever le nombre de ses morts, et j’appris qu’il montait à trois mille et quelques cents ; je pense que, pour éviter toute erreur, il faut le compter à environ trois mille.

« Nous sommes maintenant campés sur les ruines de la capitale de Dingaan. Nous y avons trouvé les ossemens de nos malheureux compatriotes, de Retief et de ses compagnons d’infortune. Nous les avons ensevelis aussi décemment qu’il nous a été possible. On lit sur leurs squelettes les preuves des cruels traitemens qu’ils ont dû subir. La vue de ces tristes débris aurait attendri le