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aux colons respect pour leurs propriétés, protection contre les attaques des Zoulous, et enfin, ce qui était peut-être le point principal, il leur promit qu’il ne serait rien changé à leurs institutions civiles et à leur administration intérieure.

Quand on connut dans la colonie les termes de cette généreuse et sage capitulation, le parti religieux cria à la trahison et poursuivit le colonel Cloete des plus virulentes invectives ; cette fois du moins, il en fut pour ses frais d’indignation. Le gouverneur, qui enfin n’hésitait plus, s’empressa d’approuver hautement tout ce qui avait été fait : il nomma au poste de commissaire civil de la nouvelle province un parent du colonel, M. A.-D. Cloete, et il sollicita vivement en Europe la, ratification du traité. De son côté, le gouvernement métropolitain accorda tout ce qu’on lui demandait, et même plus. Il fit de Port-Natal une colonie à part, dont le gouverneur relève seulement du ministère à Londres ; il confirma toutes les institutions que les habitans s’étaient données et leur reconnut le pouvoir de faire, sous la sanction de l’autorité royale, toutes les lois que réclameraient les besoins de l’administration intérieure, ne leur imposant d’autre charge que celle de subvenir par eux-mêmes aux dépenses de leur propre gouvernement. Depuis lors l’Angleterre n’a plus entretenu à Port-Natal qu’un très faible détachement de troupes, juste ce qu’il faut pour constater son droit de souveraineté, et la colonie, livrée à elle-même, mais jouissant des bienfaits du gouvernement représentatif dans toute leur plénitude, a prospéré sans troubles, sans secousses, sans guerre contre les noirs, ou plutôt en vivant toujours en paix avec eux, à ce point même que cette année on avait pu lever parmi les tribus qui bordent la frontière méridionale de la colonie un corps d’environ deux mille volontaires pour aller au secours de sir Harry Smith. S’ils ne sont pas partis, c’est que l’autorité anglaise elle-même a donné contre-ordre. Aujourd’hui, la colonie de Port-Natal compte une population de vingt-deux mille habitans, qui s’accroît avec une très grande rapidité, grace aux efforts que font le gouvernement et plusieurs compagnies de colonisation, séduits par les premiers résultats qu’a donnés la culture du coton. On connaît les efforts que fait depuis long-temps l’industrie anglaise pour s’affranchir du monopole des États-Unis, pour créer une concurrence aux longues soies de la Georgie ; or nulle part ces efforts ne semblent devoir aussi bien réussir qu’à Port-Natal, et, si l’avenir tient les promesses du présent, il n’y a pas à douter que le nouvel établissement ne soit appelé à une grande importance commerciale.

Toutefois, si certaines gens trouvaient que la transaction opérée par les soins du colonel Cloete était trop généreuse à l’égard des Boers, il s’en fallait de beaucoup que ceux-ci fussent du même avis. Depuis cinq ou six ans déjà, ils vivaient dans l’idée et avec la volonté d’échapper