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en fort, portant à chacun les vivres et les munitions nécessaires à la consommation courante. C’est tout au plus s’il a pu tenter dans les montagnes Amatolas deux razzias qui ne semblent avoir produit aucune impression sur l’ennemi. Cependant les renforts qu’il a dû demander à de si longues distances commencent à arriver ; treize régimens de troupes régulières représentant un effectif d’environ huit mille hommes lui composent aujourd’hui une armée respectable. Avec l’aide des volontaires, c’est probablement à peu près autant qu’il en faut pour qu’il puisse prendre à son tour l’offensive et forcer les Cafres à la soumission.


Telle est dans ses traits généraux l’histoire de la colonie du cap de Bonne-Espérance sous la domination anglaise. Ainsi qu’on l’a souvent fait remarquer pour d’autres pays, ce que cette histoire met surtout en lumière, ce sont les agitations, les discordes qui troublent la destinée des hommes ; ce qu’elle passe sous silence, c’est ce lent travail des générations qui ajoutent chaque jour quelque chose aux progrès et à la richesse des sociétés. Ce travail s’est accompli au Cap sans avoir à souffrir du contact de l’Angleterre ; bien loin de là, en produisant des fruits qui sont évidens même aux yeux les plus passionnés. Si l’Angleterre devait abandonner le Cap demain, elle pourrait le faire en rendant des comptes dont la balance serait tout à son honneur. Depuis qu’elle a planté son drapeau sur ces rivages, la population y a triplé et de son propre fait, car l’on calcule que, de 1806 à 1850, il n’est pas venu s’établir six mille émigrans nouveaux dans la colonie, même en y comprenant les quatre mille personnes envoyées en 1820 par le parlement. L’agriculture a fait d’immenses progrès, et la laine, dont auparavant on ne savait que faire, est aujourd’hui la source d’incalculables richesses pour la colonie, parce qu’elle a l’insatiable marché de la métropole pour l’écouler. L’Angleterre a aboli au Cap le hideux commerce des hommes et l’esclavage ; elle a remis au pas de la civilisation la plus avancée une population respectable sans doute, mais qui s’alanguissait dans son isolement et dans les contemplations de la vie patriarcale ; elle y a. réveillé l’instruction et les lumières éteintes par suite de l’ancienne rupture avec l’Europe ; elle y a apporté des institutions civiles et municipales qui font l’admiration et l’envie de tous les hommes sensés ; elle y a implanté l’intelligence et la pratique de la vraie liberté politique, le plus grand bien qui puisse échoir dans ce monde à un peuple qui se respecte et qui veut être respecté. Tout cela s’est fait sans que la population, qui croissait si rapidement en intelligence, perdît rien de sa valeur morale. Le Hollandais du Cap a conservé intacte la simplicité, la sévérité des mœurs et la ferveur de ses pères ; seulement sa charité est devenue plus éclairée et surtout plus active. Je ne prétends