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L’haleine des prodiges nous effleure la face ; nous ne demandons pas leur nom. L’amour prend sur lui d’absoudre notre terrestre captivité, et nous chantons tout haut en écho les chants des esprits tels que nous avons cru les entendre. »


Les morceaux où le poète s’est ainsi interrogé sur le sens du mystérieux voyage sont assez nombreux, et c’est parmi eux que se range le Drame de l’Exil. L’oeuvre, ai-je dit, est une sorte de mystère lyrique. Comme conclusion générale sur la destinée humaine, elle s’arrête à l’idée chrétienne que l’homme est un ange déchu qui se souvient des cieux. Au début, Adam et Ève s’éloignent de leur première patrie : ils fuient à travers la rouge lumière projetée par la colère divine, et derrière eux, au loin, ils entendent un chœur mystérieux. Ce sont les esprits du paradis perdu, les aromes de ses fleurs et les échos de ses mélodies qui leur disent adieu en leur promettant de les suivre partout. Le symbole poétique dit gracieusement le sentiment moitié triste et moitié réconforté du poète : l’homme, à ses yeux, est une nature déchue et condamnée ; mais il est condamné par une pitié divine qui a voulu qu’il pût remonter, et qui a laissé sur la terre l’écho des harmonies célestes et le reflet du beau divin, pour lui rappeler son origine comme pour stimuler en lui le besoin de se relever.

Les voix cependant s’interrompent. Les fugitifs aperçoivent devant eux des ombres vagues et tournoyantes qui prennent bientôt la forme d’un zodiaque : c’est celui de la terre et non celui du ciel ; ce sont les figures des êtres qui peuplent la terre et les eaux, et au milieu d’eux le Sagittaire et le Verseau, la force humaine qui lutte et la force humaine qui supporte, à côté des Gémeaux, qui font tressaillir Ève. Mais bientôt deux formes s’élèvent : deux voix se font entendre, celles de la nature organique et de la nature inerte, maudites par suite du péché d’Adam et qui lui déclarent la guerre. À leurs menaces se mêle la voix du tentateur qui reparaît pour insulter à sa victime. Un vent violent enlève à Ève la seule fleur qui lui rappelât encore ses joies passées. Avec le souvenir s’en va l’espoir, et Ève tombe la face contre terre. Mais le vent, en poursuivant son tournoiement, revient tout parfumé par l’Eden ; il rapporte des sons confus qui bientôt s’articulent comme les voix de l’humanité qui doit sortir de la première femme. Ève, dans le lointain, entend bruire l’enfance qui sent la vie pénétrer en elle, la jeunesse qui met la vie en action, le poète qui la conçoit pour remonter sur sa conception jusqu’à Dieu, le savant qui l’analyse pour utiliser sa science au profit des hommes. Enfin le Christ apparaît dans le lointain pour faire rentrer dans la soumission la nature irritée, et, après avoir consolé l’homme, il lui dit de consoler la femme.

Comme on le voit, le Drame de l’Exil n’est point une conception