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enchantement dans la patrie des Pharaons et contemple avec recueillement cette cérémonie touchante. M. Chenavard a traité cette donnée avec une sobriété qui rappelle les écoles les plus savantes de l’Italie. Le dessin des figures et des draperies, simple et sévère, s’accorde parfaitement avec la nature des sentimens qu’il se proposait d’éveiller dans notre arase. C’est un sujet très bien compris et très bien rendu. Quant à la Mort de Zoroastre, bien qu’elle offre à l’imagination un champ moins vaste et moins fécond que le Jugement des rois d’Égypte, M. Chenavard en a tiré un excellent parti. Avec un petit nombre de personnages, il a su composer un tableau plein d’énergie et d’intérêt. Il s’agissait de représenter l’autorité sacerdotale succombant sous les coups de la caste guerrière, et de marquer par le costume, par le style de l’architecture, le temps et le lieu. Or, je crois que l’auteur n’a méconnu aucune des conditions qui lui étaient imposées. Zoroastre se débat sous les coups de ses meurtriers, et son visage, empreint d’une mâle fierté, se tourne vers le ciel comme pour invoquer le secours de la Divinité. Le visage des assaillans respire une joie féroce. L’architecture du temple est traitée avec un soin particulier et rappelle plus nettement encore que le costume des personnages le lieu de la scène. Les chapiteaux sont ornés avec une élégance et une profusion dont les monumens persans nous offrent de nombreux exemples. Je sais bon gré à M. Chenavard de l’importance qu’il a donnée à l’architecture. Ce n’est pas un caprice d’archéologue, mais une preuve de bon sens. Il était impossible en effet de caractériser clairement le lieu de la scène sans le secours de l’architecture, et les documens que nous possédons sur l’art oriental lui permettaient de construire un temple dans le style persan. Il a donc très bien fait d’en profiter.

Ce que j’aime dans le Jugement des rois d’Égypte et dans la Mort de Zoroastre, ce n’est pas seulement la simplicité, la vérité de la composition, c’est aussi l’heureuse alliance de la fantaisie et de l’érudition. Parmi les peintres d’aujourd’hui, il y en a bien peu qui soient savans sans ostentation, qui sachent déguiser leur savoir ou du moins le montrer avec modestie. L’érudition de fraîche date ne consent pas volontiers à s’effacer ; aussi ne m’étonné je pas de la fierté avec laquelle tant de peintres étalent ce qu’ils ont appris la veille. M. Chenavard, nourri depuis long-temps de fortes études, se trouvait naturellement amené à dissimuler son savoir. Il est familiarisé depuis tant d’années avec les personnages et les monumens qu’il représente, il a vécu avec le passé dans une telle intimité, qu’il n’éprouve pas le besoin de montrer ce qu’il sait. Il connaît la Perse et l’Égypte comme les Parisiens connaissent le Louvre et les Tuileries. Le style des temples de Memphis, gravé depuis long-temps dans sa mémoire, ne lui semble pas un moyen de produire l’étonnement. Aussi, quand il offre à nos yeux les Pharaons