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thème moins heureux et moins fécond que l’Orient. La guerre de Troie, la mort de Socrate, le siècle d’Auguste lui ont inspiré des compositions qui réuniront les suffrages des juges les plus sévères. Il a trouvé pour la Guerre de Troie un style qui convient parfaitement au sujet. On voit qu’il a vécu long-temps dans le commerce d’Homère. Les héros de l’Iliade lui sont familiers. Il les dispose et les groupe à son gré, et se trouve à l’aise dans le monde héroïque comme un homme qui aurait conversé avec Achille et Agamemnon. Chacun reconnaîtra dans cette composition une science profonde unie à l’imagination la plus ingénieuse. Quant à la Mort de Socrate, il a eu le bon sens et le bon goût de ne pas lutter avec Louis David. Il a compris qu’il serait imprudent de choisir la même donnée. Au lieu donc de nous représenter Socrate discourant au milieu de ses disciples, il l’offre à nos yeux attendant la mort, ayant déjà bu la ciguë. Les disciples contemplent en silence le visage de leur maître, qui respire la plus auguste sérénité. L’esclave qui a porté la ciguë attend que Socrate rende le dernier soupir. Ainsi conçue, la mort de Socrate a peut-être moins de grandeur que la mort de Socrate telle que l’a conçue Louis David, mais, à coup sûr, elle n’offre pas moins d’intérêt. Le Siècle d’Auguste est une des plus charmantes compositions que je connaisse. L’auteur a groupé autour d’Octave les poètes les plus élégans qui ont nourri notre jeunesse. Il y a dans la manière dont les personnages sont ordonnés une grace, une harmonie qui rappellent les meilleurs temps de la peinture. Horace et Virgile, placés au premier plan, expriment heureusement, par leur physionomie, le caractère de leurs œuvres. M. Chenavard a parfaitement saisi le type de ces deux esprits éminens. Ce qui me charme surtout dans le Siècle d’Auguste, c’est la sérénité empreinte dans toute la composition. Le spectateur, en face de ce tableau, comprend qu’il a devant les yeux une réunion d’hommes privilégiés qui ont donné des leçons au monde entier. Expression des têtes, ajustement majestueux des draperies, tout concourt à I’ effet de ce tableau. Aussi je me plais à louer le Siècle d’Auguste comme une pensée très nettement conçue et rendue avec une rare précision.

Le christianisme, qui divise en deux parts égales l’ensemble de cette série, est représenté dans toute sa grandeur. Depuis le Christ à la crèche jusqu’au sermon sur la montagne, M. Chenavard n’a rien négligé ; il a fait pour l’Évangile ce qu’il avait fait pour l’Iliade, en ayant soin toutefois de traiter la donnée chrétienne dans de plus vastes proportions que la donnée païenne. L’adoration des bergers, la fuite en Égypte, le dernier sacrifice accompli sur le Calvaire, lui ont fourni l’occasion de montrer pleinement comment il comprend les traditions et les mystères de la foi chrétienne. Cependant, je dois le dire, je préfère aux compositions que je viens d’énumérer le tableau des Catacombes.