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légitimité de cette question, j’incline à penser que M. Chenavard a pu, sans violer le bon sens, n’en pas tenir compte. Que voulait-il en effet ? Nous montrer l’aspect de la convention au moment même où se décidait le sort du roi. Or, pour nous montrer l’aspect de la convention, il ne pouvait guère se dispenser de suivre fidèlement le témoignage de l’histoire. Et si l’histoire nous affirme que parmi les juges de Louis XVI plusieurs, avant de le condamner ou de l’absoudre, ont quitté leur banc afin de se concerter avec leurs amis, avec leurs conseillers, pourquoi M. Chenavard n’aurait-il pas accepté dans toute sa franchise la tradition appuyée de preuves authentiques ? Pour ma part, je n’oserais le blâmer. Je reconnais volontiers que cette composition, exécutée dans de vastes proportions, aurait dû subir quelques métamorphoses, sinon dans l’ensemble, au moins dans les détails ; mais je pense que le dessin à la mine de plomb exposé à la galerie Gaugain méritait une attention sérieuse et que, parmi les artistes contemporains, bien peu seraient capables de nous représenter la convention sous un aspect plus vrai, plus saisissant. Ainsi, tout en avouant que les trous dont j’ai parlé blessent l’œil habitué aux compositions de l’école italienne, je suis forcé de louer le dessin de M. Chenavard comme l’image fidèle d’une scène dont tous les détails nous ont été transmis par l’histoire.

Quant à l’esquisse de Mirabeau répondant au marquis de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies, je n’ai pas besoin d’en expliquer les mérites, car tous ceux qui l’ont vue s’accordent à louer la sagesse et la grandeur que l’auteur a su mettre dans l’expression de sa pensée. Cette esquisse ne se recommande ni par l’éclat de la couleur, ni par la délicatesse du dessin ; mais il y a dans le mouvement des figures principales tant d’énergie et de surprise, dans la physionomie de l’assemblée tant d’attention et d’émotion, que le spectateur ne songe guère à se demander si la couleur est assez vive, si le dessin est assez pur. Chacun se plaît à vanter la fierté de Mirabeau, l’étonnement de Dreux-Brézé. En somme, cette esquisse, malgré ses imperfections, assigne à l’auteur un rang élevé.

Ainsi tous ceux qui possèdent une mémoire fidèle apprendront sans surprise que M. Chenavard a représenté sous une forme vivante et pittoresque les principaux épisodes de la biographie humaine. Ce qu’il avait fait nous montrait assez clairement ce qu’il pouvait faire. L’immensité du sujet offert à son imagination, loin de l’effrayer, comme nous avions lieu de le craindre, a doublé son courage et ses forces. Nous retrouvons en effet dans ses cartons toutes les qualités que nous avions admirées dans le Jugement de Louis XVI et dans Mirabeau répondant au marquis de Dreux-Brézé. C’est la même vérité, la même énergie exprimées par un crayon plus savant et plus habile. Quant à la