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qui se pût voir. « Hâtez-vous, disait et redisait inutilement M. Rossi, hâtez-vous ! Agissez, au nom du ciel ! agissez. Fixez des remises si vous voulez ; mais fixez-les, et à l’époque dite exécutez votre pensée. Tout est aisé aujourd’hui ; dans trois mois, tout sera difficile ; dans six mois, tout sera impossible. Vous êtes maîtres à présent de toutes choses ; avant peu, si vous n’agissez pas, toutes choses seront maîtresses de vous. Agissez donc : réalisez la réforme hardiment, largement, entièrement, et remettez-vous au plus tôt à votre métier de tous les jours, au métier du gouvernement. » Sages et stériles avis ! Mais les ministres du saint père, s’ils les accueillirent tous, n’en pratiquèrent aucun. Du mois d’août 1846, où Pie IX inaugura la réforme de ses états, au mois de mars 1848, où, l’entreprise et la conduite de cette réforme lui glissant totalement des mains, la constitution même du pouvoir temporel du saint-siège fut bouleversée, deux ministres se succédèrent à Rome : le cardinal Gizzi, qui, entré en fonctions le 8 août 1846, en sortit le 16 juillet 1847, et le cardinal Ferretti, entre les mains duquel la révolution vint au monde sept mois plus tard, le 10 mars 1848. La politique des deux cardinaux eut ceci d’honorablement et de tristement semblable, d’être également bien intentionnée et également impuissante : tous les deux virent le bien et le voulurent ; ni l’un ni l’autre n’eut la main ni assez prompte ni assez ferme pour le réaliser.

Quand, le 8 août 1846, le cardinal Pasquale Gizzi prit les affaires aux applaudissemens d’une population qui l’aimait pour son caractère modéré et pour son attachement à la personne du saint père, il y avait trois choses à faire à Rome : 1° donner dans l’administration entière des états pontificaux une satisfaction prompte et large au parti réformateur, et le contenir en même temps en lui faisant comprendre que son impatience ou sa violence perdrait tout ; 2° rétablir les finances ; 3° réorganiser vigoureusement la force publique. Ces trois choses demandaient à être menées de front et avec toute la promptitude imaginable. Pour réformer, en effet, il faut être fort ; autrement la réforme et le réformateur deviennent le jouet des passions populaires. En s’appuyant sur le parti modéré et en l’organisant, le cardinal Gizzi aurait pu gagner le temps nécessaire pour remettre dans les finances et dans l’armée des États Romains l’ordre et la sûreté qui en avaient disparu, et il aurait pu réaliser de telle sorte la réforme, que lorsqu’elle aurait été achevée avec l’appui du parti conservateur, elle se serait trouvée sous la double garde de la reconnaissance publique et d’une force administrative et militaire imposante. Le cardinal Gizzi ne fit rien de tout cela. Il entra timidement dans la voie d’une réforme où il fallait marcher à pas de géant ou ne poser jamais le pied ; il ne sut tirer aucun parti de l’appui si précieux et tout-puissant alors du parti modéré ;