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ATTILA.




LES HUNS ET LE MONDE BARBARE.




Attila, voilà un nom qui s’est conquis une place dans la mémoire du genre humain à côté des noms d’Alexandre et de César : ceux-ci durent leur gloire à l’admiration, celui-là à la peur ; mais admiration ou peur, quel que soit le sentiment qui confère à un homme l’immortalité, on peut être sûr qu’il ne s’adresse qu’au génie. Il faut avoir ébranlé bien violemment les cordes du cœur humain pour que les oscillations s’en perpétuent ainsi à travers les siècles. La sinistre gloire d’Attila tient moins encore au mal qu’il a fait qu’à celui qu’il pouvait faire, et dont le monde est resté épouvanté. L’histoire compte, dans le catalogue malheureusement trop nombreux des dévastateurs, des hommes qui ont détruit davantage, et sur lesquels ne pèse pas, comme sur lui, une malédiction éternelle. Alaric porta le coup mortel à l’ancienne civilisation en brisant le prestige d’inviolabilité qui couvrait Rome depuis sept cents ans ; Genséric eut un privilège unique parmi ces privilèges de ruine, celui de saccager Rome et Carthage ; Radagaise, la plus féroce des créatures que l’histoire ait classées parmi les hommes, avait fait vœu d’égorger deux millions de Romains au pied de ses idoles, et leurs noms ne se trouvent que dans les livres. Attila, qui échoua devant Orléans, qui fut battu par nos pères à Châlons, qui épargna Rome à la prière d’un prêtre et qui périt de la main d’une femme, a laissé après lui un nom populaire synonyme de destruction. Cette contradiction apparente frappe d’abord l’esprit lorsqu’on étudie ce terrible personnage. On aperçoit que l’Attila de l’histoire n’est point tout-à-