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pour les empereurs[1]. Roua, qui prenait de toutes mains, s’était fait donner par l’Auguste d’Orient, Théodose II, une subvention annuelle de trois cent cinquante livres d’or, qu’il qualifiait de tribut, mais à laquelle celui-ci donnait le nom plus honnête de solde, par la raison que Roua, ayant reçu un brevet de général romain, était officier de l’empereur, lequel était libre de lui affecter tel traitement ou telle gratification qu’il lui plairait, suivant son mérite : c’était par ces honteux sophismes que la cour de Byzance cherchait à se dissimuler sa lâcheté Quant aux généraux romains de la façon de Roua, sachant que leur principal mérite était de faire peur, ils usaient largement de ce moyen, qui aboutissait toujours à une augmentation de solde. Roua prétendait établir en principe, vis-à-vis de l’empire, que tout ce qui existait sur la rive septentrionale du Danube, terres et nations, appartenait aux Huns, comme le midi appartenait aux Romains ; que c’était là leur domaine, dans lequel nul autre peuple n’avait le droit de s’immiscer. Trois ou quatre peuplades ultra-danubiennes ayant fait un traité d’alliance offensive et défensive avec la cour de Byzance, Roua se plaignit vivement, et menaça de la guerre. Deux consulaires lui furent députés pour entrer en explication ; mais dans l’intervalle, en 434 ou 435, Roua mourut, laissant son trône aux mains de ses deux neveux, Attila et Bléda : ce furent les nouveaux rois qui reçurent l’ambassade romaine.

La conférence eut lieu dans une plaine à droite du Danube, à l’embouchure de la Morawa et tout près de la ville romaine de Margus : les Huns arrivèrent à cheval, et, comme ils ne voulurent point mettre pied à terre, il fallut que les ambassadeurs romains, sous peine de faillir à leur dignité, restassent également sur leurs chevaux. Ils entendirent là un langage qui ne laissa pas de les inquiéter un peu pour l’avenir. La rupture immédiate de l’alliance avec les tribus danubiennes, l’extradition de tous les Huns grands ou petits qui portaient les armes ou s’étaient réfugiés dans l’empire d’Orient, la réintégration des prisonniers romains évadés sans rançon ou le paiement de huit pièces d’or pour chacun d’eux, l’engagement formel de ne secourir aucun peuple barbare en hostilité avec les Huns, enfin l’augmentation du tribut qui, de trois cent cinquante livres d’or, serait porté à sept cents, — telles furent les clauses du traité proposé ou plutôt exigé par Attila. Aux objections des envoyés, à leurs moindres demandes d’explication, le roi hun n’avait qu’une réponse : « La guerre ! » Et comme les ambassadeurs savaient trop bien que leur maître était disposé à tout faire, la guerre exceptée, ils se crurent autorisés à tout promettre. On jura

  1. Nous en avons parlé ici même à propos du comte Bonifacius et de la régente Placidie. — Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1851.