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de la session tel qu’il est aujourd’hui, la dissolution des commutes se fera attendre peut-être encore ; si de nouveaux élémens entrent dans la composition du ministère, lord John Russell ne tardera pas à en appeler au pays. Quel sera maintenant son programme pour la prochaine session ? Ce ne sont point les questions à résoudre qui font défaut, c’est bien plutôt le trop grand nombre qui est un embarras pour le ministère whig. Les réformes coloniales sont demandées à grands cris ; l’income-tax, qui ne devait être, selon la promesse de lord John Russell, que transitoire, sera-t-il encore maintenu ? Un seul projet de réforme semble composer jusqu’à présent tout le programme de lord John Russell, le projet de réforme électorale. Si ce projet est présenté, comme tout porte à croire qu’il le sera, le parlement actuel signera, en l’acceptant, son acte de démission, et alors les affaires politiques de l’Angleterre prendront une tout autre physionomie ; les radicaux reviendront seuls aux communes sains et saufs ; leur armée se sera grossie, tandis que celles des autres partis, même du parti whig, se seront affaiblies, car c’en sera fait pour toujours, selon toute probabilité, des bourgs pourris, où les grandes influences locales s’exercent avec tant de facilité. Le projet de réforme électorale sera donc combattu, selon toute apparence, comme il l’est déjà, assure-t-on, par un certain nombre de membres du cabinet actuel. Les radicaux devront savoir gré à lord John Russell de cette réforme électorale, car ce projet le frappe, lui et les siens, il frappe son parti et plusieurs membres de son illustre famille, qui étaient élus dans les collèges électoraux condamnés à disparaître.

Et les radicaux lui en savent gré. Ce projet de réforme est maintenant le lien politique qui les attache au cabinet depuis la retraite de lord Palmerston. Nous annoncions dernièrement que lord John Russell, désappointé dans toutes ses combinaisons, faisait des avances à l’école de Manchester. Les radicaux qui sentent l’influence venir à eux, qui par conséquent prêtent une oreille attentive à tous les bruits politiques, n’ont pas été sourds, et ont fait immédiatement la moitié du chemin nécessaire pour rejoindre le parti whig. Lord John Russell fera-t-il l’autre moitié ? Tout porte à le croire, surtout aujourd’hui qu’il est constaté officiellement que l’alliance avec les peelites a été impossible à réaliser. Est-ce un grand malheur, et les amis de sir Robert Peel apportaient-ils au cabinet une bien grande force ? Il est permis d’en douter. Les tories désignés sous le nom de peelites n’ont qu’une grande influence individuelle : ils sont individuellement des hommes considérables, capables, jouissant d’une grande renommée d’hommes d’état ; mais, pris en masse, ils ne composent pas un parti. Le chef qui leur sonnait vie et puissance, sir Robert Peel, n’est plus. Ils sont sans influence réelle dans le pays, et, au sein du parlement, ils sont une majorité infiniment peu considérable. Ni sir James Graham, ni M. Cardwell, ni même, assure-t-on, M. Gladstone, ne sont sûrs de leur réélection. Détestés des protectionistes à cause de leur défection dans les questions commerciales, détestés des protestans à cause de leur libéralisme religieux, détestés des radicaux, qui ne leur pardonnent pas de tenir les places qu’ils voudraient occuper, quelle force auraient-ils apportée à lord John Russell ? Est-il probable que le cabinet eût été appuyé par les votes du parlement avec un ministre tel que sir James Graham, qui, par trop de délicats scrupules et par un trop universel libéralisme, s’est si honorablement d’ailleurs attiré l’antipathie de tous