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venait du parti féodal. Le rejet de cette pétition ne tranche point au surplus les difficultés dont elle est le symptôme, et qui se reproduiront sans nul doute.

Nous parlions de l’Autriche il n’y a qu’un instant. Tout ce qui vient de cette puissance est fait pour causer une certaine émotion chez le peuple piémontais ; aussi ne faut-il pas s’étonner qu’une difficulté peu sérieuse, au fond, élevée récemment par le maréchal Radetzky au sujet de la navigation du lac Majeur, ait fait naître plus d’un commentaire. Une compagnie piémontaise était en possession de cette navigation. Un sujet autrichien avait demandé, à ce qu’il paraît, au gouvernement de Turin un privilège semblable. La concession tardant un peu à venir, le maréchal Radetzky a interdit aux paquebots de la compagnie piémontaise de toucher à la portion des côtes lombardes sur le lac. Comme on le voit, c’est une difficulté qui ne peut manquer de s’aplanir devant de mutuelles explications ; elle n’a surtout en elle-même rien de politique ; les relations des deux pays n’en sauraient être altérées, et tout récemment encore le sénat de Turin votait le traité de commerce avec l’Autriche, qui a déjà été adopté par la chambre des députés. Il se peut que ce petit incident ait réveillé les bruits habituels de crise ministérielle à Turin. Jusqu’ici, ces bruits nous semblent peu fondés et même peu explicables dans la situation politique du Piémont. Il est pourtant vrai de dire qu’une occasion semble sur le point de s’offrir, où le ministère piémontais est décidé à encager son existence dans le parlement. Le cabinet de Turin, on s’en souvient sans doute, a récemment présenté un projet de loi sur la presse, qui avait pour effet de soustraire les délits d’offense contre les chefs des gouvernemens étrangers à la juridiction trop souvent illusoire du jury, et de les déférer à un tribunal spécial. La commission nommée dans la chambre des députés pour élaborer ce projet vient de déposer son rapport, et il se trouve que ce rapport est en formelle contradiction avec les propositions primitives du gouvernement. Non-seulement la juridiction du jury est maintenue, à peu de chose près, pour les délits que le gouvernement avait en vue d’atteindre, mais elle est étendue encore aux délits de presse contre la religion, qui, jusqu’à présent, étaient jugés par les cours d’appel. Le ministère piémontais paraît résolu à combattre ces modifications et à poser nettement devant le parlement ce que nous nommions autrefois une question de cabinet. En présence de la question ainsi posée, il est douteux que la chambre passe outre. L’inconvénient des assemblées, c’est qu’il s’y trouve souvent certains hommes qui ne considèrent les questions qu’au point de vue de leurs idées, de leurs opinions et de leur courte logique, sans tenir compte des circonstances, des difficultés plus générales avec lesquelles un gouvernement peut avoir à se mesurer. On peut aller loin dans cette voie et risquer souvent l’essentiel des institutions pour ce qui n’en serait tout au plus qu’un détail. Il est évidemment aujourd’hui des courans politiques que la chambre piémontaise ne peut espérer dominer. Plus elle paraîtra vouloir les défier, plus elle exposera le Piémont à leur irruption. Le parlement de Turin a fait, dans des circonstances récentes, preuve de modération et de sagesse ; c’est à son bon sons de pressentir les dangers d’une résolution précipitée qui entraînerait la chute du cabinet actuel.

Tandis que le parlement piémontais continue ses travaux à Turin, le cabinet de Madrid vient de mettre fin, par un récent décret, à la session législative espagnole de cette année. Cette mesure coïncidait avec quelques incidens assez