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banquet offert par le congrès est venu réveiller des sympathies qui touchaient à leur fin, et en même temps des difficultés politiques qui paraissaient écartées définitivement. Rappelant ses antécédens politiques, ses vieilles sympathies pour la cause de la Grèce et de l’Espagne, M. Webster a déclaré qu’il portait le même intérêt à la Hongrie, et que le gouvernement des États-Unis suivrait toujours avec affection les tentatives des Magyars pour conquérir leur indépendance. Ce discours, accompagné d’applandissemens et de hurrahs en l’honneur du roi saint Étienne, de Gesa II et d’autres vieux héros hongrois, a naturellement mécontenté les ambassadeurs des puissances intéressées dans la question. Peu de jours après, le chevalier Huselmann et M. Bodisco se présentaient chez le président pour lui exposer leurs réclamations. Ils voulaient bien faire une distinction entre M. Daniel Webster comme personnage officiel et M. Webster comme individu, ils consentaient encore à faire la même distinction pour le président des États-Unis ; mais il leur était impossible néanmoins de ne pas être blessés d’une telle réception. M. Millard Fillmore, assure-t-on, est sorti sans répondre un seul mot, et, à la suite de cette entrevue, les deux ministres plénipotentiaires ont annoncé l’intention de prendre leurs passeports. Nous n’avons point reconnu dans cet incident la modération habituelle de M. Webster, et sa candidature présidentielle est le seul moyen d’expliquer cette recherche de la popularité.

Outre sa réception à Washington, Kossuth a fait encore deux voyages, l’un à Philadelphie et l’autre à Baltimore. À Philadelphie, la ville des quakers, la ville où fut proclamée l’indépendance américaine, Kossuth n’a pas parlé le même langage que devant la population mélangée de New-York. Là nous avons eu des tirades empreintes de religiosité et d’images bibliques ; l’éternité, la Providence, la destinée, le ciel et l’enfer ont joué un rôle important. Mais nous voici à Baltimore, dans le Maryland, dans un état à esclaves, et ici encore le langage a changé. On s’est bien gardé de toucher à certaines délicates questions devant ce public susceptible et toujours en alarmes pour ses intérêts ; on a eu bien soin de dire que, lorsque les Hongrois avaient affranchi leurs paysans, une indemnité avait été payée aux propriétaires ; on a parlé à ce public d’agriculteurs et de planteurs, de plantations et d’agriculture, et comme les catholiques abondent dans Baltimore, Kossuth, le favori du clergé protestant, a rappelé que les catholiques, non moins que les protestans, avaient lutté pour l’indépendance de la Hongrie. Il a annoncé son prochain départ pour les états de l’ouest, et là encore nous allons assister à une nouvelle métamorphose.

Au milieu de toutes ces agitations, les affaires nationales, comme on peut bien le penser, éprouvent un temps d’arrêt dans ce pays, qui pourtant ne s’arrête jamais. Pour la troisième fois, depuis l’ouverture du congrès, l’éternelle question du compromis a été réveillée et rejetée. Le seul fait important que nous ayons à annoncer, c’est la conclusion des différends avec la cour d’Espagne. La reine fait grace à tous les compagnons de Lopez qui, faits prisonniers pendant l’invasion, avaient été renvoyés en Espagne, et elle l’a fait avec une bonté et une grace parfaites, sur lesquelles le cabinet de Washington devrait bien prendre exemple dans ses relations avec les gouvernemens européens.

Une des choses les plus frappantes peut-être dans l’ensemble de l’histoire contemporaine, c’est le contraste qui se manifeste entre les deux portions du