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derniers efforts d’une ardeur qui s’éteint. J’ai donc tenté d’écrire, à la suite de cet aimable et paternel vieillard, les petits événemens bourgeois qui ont signalé d’une façon si obscure sa propre vie et celle de ses proches auxquels il a survécu. De cette famille nombreuse, il était resté seul : il avait perdu même sa femme, morte en pleine jeunesse ; il avait perdu même son fils unique, son compagnon, sa fortune, sa providence ! Ainsi les pages du livre destiné à raconter humblement, chose rare aujourd’hui, ces existences oubliées, ces pages remplies des plus sévères, des plus cachées et des plus charmantes tendresses, elles sont écrites, juste ciel ! sur la pierre silencieuse de quelques sépulcres sans nom.

Pour peu que vous ayez lu les livres de M, Monteil, vous savez déjà à quel point il aimait l’ordre et la règle en toutes choses ; il lui fallait à chaque pas une trace, à chaque mot une preuve : eh bien ! il a fait pour lui-même et pour les siens ce qu’il avait fait pour les Français des divers états ; il a été vrai, sincère, complet, et afin que la méthode et la logique fussent cette fois encore ses compagnes fidèles, il a écrit un chapitre à part pour son père, un chapitre à part pour sa mère, en un mot autant de chapitres que sa famille en pouvait contenir. Ajoutez que ces notes sans jactance sont écrites en marge d’un livre imprimé à Paris (1599) sous ce titre : Inventaire de l’histoire journalière, de sorte que la famille Monteil est traitée à peu près comme si elle était tout le genre humain. « Veux-tu savoir les mœurs d’une nation, étudie avec soin une seule famille ; » sufficit una domus ! Ainsi parle Juvénal. Vous verrez en effet à quel point ces très simples, très médiocres et très vulgaires événemens vous rappelleront (pour peu que vous soyez fils de bourgeois) les grands événemens de votre maison paternelle domestica facta. Qui de nous, à certains bruits, à certains accens, à ces sentences, à ces voix, à ces paysages, à ces cris, à ces larmes, à ces douces joies, à l’aspect de ces vieux meubles, sous ces vieux toits, ne s’est pas rappelé tout à coup les commencemens, les premières années, les vastes pensées dans ce petit horizon, les grandes espérances dans cet humble enclos ? Histoires cent fois racontées, cent fois nouvelles et mille fois charmantes ! Il y a beaucoup de ce charme des souvenirs vrais et des émotions honnêtes dans les mémoires posthumes de M. Monteil.


I

Pour commencer, le voilà qui nous présente son père, M. Jean Monteil, et nous le voyons tout d’abord tel qu’il était, un peu homme d’épée, homme de loi un peu, mi-parti avocat et mi-parti agriculteur ; il aimait les habits parans ; il portait, les jours de fête, une veste écarlate