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feu, le Piémont en armes, et, le 23 mars, Charles Albert, à la veille de passer le Tessin, adressait aux peuples de la Lombardie et de la Vénétie la proclamation fameuse dans laquelle il leur disait que, confiant en leur courage, en son épée et en Dieu, « en ce Dieu qui avait donné Pie IX à l’Italie, » il marchait à leur délivrance. Restait à savoir à quel parti le gouvernement du saint-siège allait se résoudre.

Pie IX, au lendemain du jour où il avait octroyé la constitution à ses peuples, l’avait fait clairement pressentir. Recevant les membres de la municipalité romaine, il leur avait dit : « J’ai fait tout ce que j’ai pu, je ne pourrais faire davantage (ho fatto quanto poteva, né potrei fare di più. » Paroles aussi précises que sages, et qui auraient dû être à Rome, et dans le reste entier de l’Italie, un trait de lumière pour tout le monde. Malheureusement la mode, sottement exploitée par les révolutionnaires, de transfigurer Pie IX en un Alexandre III, avait gagné, depuis la proclamation de Charles-Albert, les esprits les plus modérés eux-mêmes. Un brave militaire, le général Durando, qui commandait un corps de troupes pontificales à Bologne, se prévalant d’instructions, il est vrai, assez ambiguës qu’il avait reçues du cardinal-ministre, avait, le 5 avril, passé le Pô, et adressé à ses soldats un ordre du jour dans lequel il leur avait annoncé qu’ils marchaient eux aussi à la délivrance de la Lombardie, et que leurs drapeaux étaient bénis par Pie IX comme jadis l’avaient été par Alexandre III les sermens de Pontida. L’acte était d’une gravité extrême ; le saint père le sentit, et, comme il était contraire à ses intentions, il ordonna à ses ministres de le désavouer officiellement. Ce désaveu parut dans la gazette du gouvernement du 10, et toutes les personnes qui eurent l’honneur d’approcher sa sainteté dans ces journées critiques rapportent qu’on l’entendit souvent dire avec la plus grande animation qu’il était impossible, après l’abus que l’on faisait partout de son nom, qu’elle se tût ; qu’elle parlerait, et que le monde catholique bientôt allait entendre sa voix et connaître sa volonté.

On se représente dans quelle agitation et dans quelle attente était Rome. Le ministère n’était, comme on pense, ni le moins ému ni le moins inquiet. Il avait, contrairement au souverain pontife, un grand penchant pour la guerre, et le cardinal Antonelli lui-même disait tout haut, et avec une grande chaleur, qu’il n’y avait de salut pour la papauté que dans sa participation ouverte et déclarée à la croisade contre l’Autriche. M. Rossi fut consulté ; il opina pour le même avis, disant, dans ce langage sentencieux et coloré dont il avait l’habitude : « Le mouvement national et guerrier qui emporte l’Italie me fait l’effet d’une épée : ou Pie IX prendra résolûment cette épée en main, ou la révolution s’en emparera pour la tourner contre lui. » Le cardinal Antonelli et ses collègues, pressés par l’opinion, qui commençait à