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infernales viennent prendre la place de ces quatre personnages, qui se retirent en tête-à-tête.

Sur la demande du duc, Faust s’apprête à lui donner une nouvelle preuve de sa science magique. Il saisit la baguette et en frappe les danseuses. À l’instant même, elles redeviennent les monstres hideux qu’on a vus au premier acte, et de leurs évolutions gracieuses retombant avec lourdeur dans un balancement aussi grossier que baroque, les diables s’abîment sous la terre au milieu de flammes qui jaillissent. Applaudissemens frénétiques. Faust et Méphistophéla remercient par des saluts les très hauts et très puissans seigneurs, ainsi que le très honorable public.

Chacun des tours magiques fait éclater de plus belle la folle joie ; les quatre principaux personnages se précipitent encore dans l’arène, et la passion, pendant ce nouveau quadrille, prend des allures toujours plus hardies. Faust se jette aux pieds de la duchesse, qui répond à ses démonstrations amoureuses par une pantomime non moins compromettante, tandis que le duc est aux genoux de Méphistophéla. Tout à coup le duc, se retournant, aperçoit Faust agenouillé devant la duchesse : il se redresse, tire l’épée, et se précipite sur l’insolent magicien ; mais celui-ci s’arme rapidement de sa baguette, le frappe et lui fait jaillir du front un énorme bois de cerf, par les bouts duquel la duchesse le retient. Consternation des courtisans qui se jettent en désordre et l’épée à la main sur Faust et Méphistophéla. Le magicien brandit sa baguette ; des trompettes guerrières retentissent, et du fond de la scène s’avancent des rangées de chevaliers armés de pied en cap. Tandis que les courtisans effrayés se retournent pour faire face à l’ennemi, Faust et Méphistophéla s’envolent dans les airs sur deux coursiers noirs sortis du sein de la terre. Au même instant, les escadrons de chevaliers évoqués s’évanouissent comme une fantasmagorie.



ACTE TROISIÈME


Rendez-vous nocturne du sabbat des sorcières. Un plateau spacieux. De chaque côté des rangées d’arbres ; dans les branches, des lampions qui éclairent la scène d’une lueur lugubre. Au milieu, en guise d’autel, une espèce de piédestal sur lequel repose un gros bouc noir, à face humaine également noire, avec un cierge allumé entre les cornes. Dans le fond, sommets de montagnes, cimes disposées, en gradins et formant amphithéâtre. Sur les gradins gigantesques sont accroupies, assistant au spectacle, les notabilités infernales ; ce sont les démons qu’on a vus dans les actes précédens et qui prennent ici des proportions plus colossales encore. On aperçoit, juchés sur les arbres, des musiciens à figures d’oiseaux, munis d’instrumens à vent et à cordes, des formes les plus bizarres.


Déjà la scène est animée par des groupes de danseurs dont les costumes rappellent des époques et des pays étonnés de se trouver confondus, si bien que toute la réunion ressemble à un bal masqué. Plusieurs de ces personnages portent en effet des masques. Quelle que soit l’étrangeté baroque de la scène, aucune de ces figures ne doit blesser le sentiment du beau ; la répugnance que pourrait inspirer l’excès du grotesque est tempérée ici ou effacée par l’effet d’une magnificence féerique, par l’impression d’une réalité terrible. De temps