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élixir : il suffit d’en prendre quelques gouttes pour être aussitôt guéri de tout mal et ressentir une folle ardeur de danse. Le roi des arbalétriers, après avoir avalé tout le contenu de sa fiole, subit la magique influence ; il s’empare de Méphistophéla et danse avec elle un pas de deux. Le bourguemestre et sa femme, également excités par la vertu motrice du breuvage enchanté, exécutent, clopin chopant, la vieille danse de leurs grands-pères.

Tandis que le public entier cède au vertige qui l’a saisi, au tourbillon qui l’emporte, Faust s’est approché de la fille du bourguemestre. Touché de sa candeur, de sa chaste beauté, il lui déclare son amour ; ses gestes sont pleins d’une douceur mélancolique et presque craintive ; il indique l’église voisine et demande la main de la jeune fille ; il s’adresse aussi aux parens, qui viennent de se rasseoir tout essoufflés, et réitère sa demande ; il est accueilli avec bienveillance, et la naïve enfant, d’un air timide, finit par accorder elle-même son consentement. Parés de bouquets de fleurs, les fiancés préludent à l’hymen par d’honnêtes danses bourgeoises. Le docteur va trouver enfin dans les joies modestes d’une vie cachée la félicité domestique, qui seule satisfait l’ame. Loin de lui les doutes philosophiques et les amères voluptés de l’orgueil ! Il rayonne de bonheur, il reluit comme un coq doré sur le clocher d’une élise.

La procession nuptiale se forme avec pompe, et le cortége va se diriger vers la cathédrale, quand tout à coup Méphistophéla s’avance vers Faust, et par ses gestes, par son rire moqueur, l’arrache à ses rêves d’églogue. Elle semble lui ordonner de la suivre sans retard ; il s’y refuse et lui oppose sa colère. Consternation générale. L’épouvante s’accroît, lorsque, sur un signe cabalistique de Méphistophéla, les ténèbres de la nuit remplacent le jour, et un orage effroyable éclate. Tout fuit, tout va chercher un asile dans l’église, où commencent à retentir le bruit des cloches et les harmonies des orgues, voix suaves et religieuses, dramatique contraste avec le spectacle infernal qui remplit la scène de tonnerre et d’éclairs. Faust a voulu chercher aussi un refuge dans la cathédrale ; mais une affreuse main noire, sortie des entrailles de la terre, l’a retenu, tandis que Méphistophéla, triomphante et avec une insultante joie, tire de son corset le parchemin fatal que le docteur a signé de son sang. Elle lui montre que le temps fixé par le contrat s’est écoulé, et que désormais corps et ame il appartient à l’enfer. Vaines objections de la part du malheureux ! vaines doléances ! supplications inutiles ! la femme-satan danse autour de lui avec d’outrageantes grimaces. La terre s’entr’ouvre, et de l’abîme sortent les princes de l’enfer, les monstres portant sceptre et couronne ; ils dansent autour de Faust leur ronde infernale et accablent le damné de leurs ricanemens hideux. Enfin Méphistophéla, transformée en un serpent horrible, l’enlace et l’étouffe dans ses féroces étreintes. Tandis que le groupe entier s’abîme au milieu des flammes et disparaît sous terre, on entend retentir du fond de la cathédrale le son des cloches et le chant des orgues. — grave avertissement, pieuse et chrétienne exhortation à la prière.