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bonheur ; il triomphe des plus belles femmes par la vertu de son anneau magique, qui fait de son possesseur une fleur de jeunesse, de beauté et de grace, enfin le plus brillant des chevaliers. Après bien des années passées au sein de la débauche et de l’orgie, il est engagé dans une intrigue amoureuse avec la signera Lucrezia, la plus fameuse courtisane de Venise ; mais bientôt il abandonne traîtreusement sa belle et s’embarque pour Athènes, où la fille du duc s’éprend de lui et veut l’épouser. Dans son désespoir, la pauvre Lucrèce demande secours aux puissances infernales pour se venger de l’infidèle. Le diable lui confie un secret : tout l’éclat dont Faust est entouré disparaîtra avec l’anneau qu’il porte à l’index. Lucrèce, déguisée en pèlerin, s’embarque pour Athènes et arrive à la cour au moment même où Faust, paré d’un costume magnifique, va présenter la main à la princesse pour la conduire à l’autel ; mais le pèlerin, la femme jalouse et altérée de vengeance, arrache subitement l’anneau magique, et soudain le jeune et brillant chevalier n’est plus qu’un affreux vieillard, visage ridé, bouche sans dents ; à la place de sa belle chevelure dorée, on ne voit plus qu’un pauvre crâne où brillent quelques rares cheveux blancs. Le brillant costume tombe comme un feuillage desséché, et l’on aperçoit un corps courbé par l’âge, que recouvrent de misérables haillons. Cependant le magicien, dépouillé de son talisman, ne se doute pas du changement qui vient de s’opérer, ou plutôt il ne sait pas que son corps et ses vêtemens révèlent désormais le ravage qu’ont exercé sur lui vingt ans de débauche, ravage horrible qu’un prestige infernal a su dérober long-temps aux yeux des hommes sous une magnificence trompeuse. L’infortuné ne sait pas pourquoi les courtisans s’éloignent avec dégoût, pourquoi la princesse s’écrie : Otez de ma vue ce vieux mendiant ! Mais Lucrèce, toujours déguisée, lui présente avec une joie maligne un miroir dans lequel, à sa grande confusion, il reconnaît le personnage qu’il joue. Il est chassé à coups de pied comme un animal immonde, et jeté à la porte par les valets.

C’est dans un petit endroit du Hanovre, à l’époque d’un marché aux chevaux, que je vis représenter l’autre drame de ce genre. Un petit théâtre en charpente avait été élevé sur une pelouse, et, bien que l’on jouât en plein jour, la scène de l’évocation n’en fut pas moins d’un effet saisissant. Le démon ne s’y nommait pas Méphistophélès, mais Astaroth, nom qui, dans l’origine, était peut-être le même que celui d’Astarté, quoique les livres occultes sur la magie donnent ce nom d’Astarté à la femme d’Astaroth. Cette Astarté, dans les livres dont je parle, est représentée la tête armée de deux cornes disposées en croissant. Déjà les Phéniciens lui vouaient un culte comme déesse de la lune, et c’est pour cela que les anciens Hébreux, qui prenaient pour des démons toutes les divinités de leurs voisins, la considérèrent