Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/658

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme une puissance diabolique. Salomon cependant, le sage roi Salomon, lui rendait un culte en secret, et lord Byron l’a célébrée dans son Faust, qu’il a intitulé Manfred. Dans la comédie de marionnettes publiée par Simrock, le livre qui induit Faust en maléfice est désigné sous ce titre : Clavis Astarti de magica. Pour en revenir à cette comédie que j’ai vue jouée dans le Hanovre, le docteur Faust, avant de recourir à l’évocation infernale, se plaint de l’état déplorable où l’a réduit la misère ; il est condamné à courir toujours à pied, et la vachère même lui refuserait un baiser. Aussi veut-il se donner au diable pour avoir un cheval et une belle princesse. Le diable évoqué apparaît successivement sous la forme de divers animaux, tels que le cochon, le boeuf, le singe, et Faust le congédie à chaque fois. « Il faut, dit-il, que tu sois plus terrible que cela pour m’inspirer de l’épouvante. » Le diable alors se présente sous la forme d’un lion qui rugit, quœrens quem devorat. Ce n’est pas encore assez de terreur pour l’intrépide nécromancien. L’animal, serrant la queue, rentre dans les coulisses. Il en sort bientôt un serpent colossal ; mais Faust ne bronche pas. « Tu n’es ni assez hideux, ni assez terrible, » lui dit-il. Le démon se retire encore tout confus, et bientôt on le voit reparaître sous forme humaine et rayonnant de beauté ; un manteau rouge le couvre. Faust, étonné, lui exprime sa surprise, sur quoi le manteau rouge lui répond : « Il n’est rien d’aussi hideux, rien d’aussi effroyable que l’homme ; en lui grognent, sifflent, rugissent les féroces instincts de tous les animaux ; sale comme le porc, brutal comme le boeuf, ridicule comme le singe, furieux comme le lion, venimeux comme le serpent, l’homme est le résumé de la race animale tout entière. »

J’ai été vivement frappé de l’analogie de cette vieille tirade de comédie avec un des principes fondamentaux de la moderne philosophie de la nature, telle surtout qu’elle a été développée par Oken. — Le pacte conclu, Astaroth propose à Faust plusieurs femmes dont il lui vante la beauté : Judith, par exemple. « Je ne veux pas de coupeuse de tête, répond Faust. — Veux-tu Cléopâtre ? lui demande l’esprit. — Pas plus que l’autre, dit Faust ; elle est trop prodigue, trop dissipatrice, puisqu’elle a pu ruiner jusqu’au riche Marc-Antoine ; elle dévore des perles. Eh bien ! reprend en souriant le malin esprit, je te recommande la belle Hélène de Sparte ; avec elle, ajoute-t-il d’un ton ironique, tu pourras converser en grec. »

Le savant docteur est ravi de la proposition ; il réclame ensuite du démon des charmes corporels et des vêtemens magnifiques qui lui permettent de lutter victorieusement avec le chevalier Pâris ; de plus, il lui faut un cheval pour aller sur l’heure à Troie. Son vœu s’accomplit ; ils sortent alors tous les deux, et reparaissent en dehors des tréteaux montés sur de brillans coursiers. Ils se dépouillent de leurs manteaux,