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où l’heureux mortel, pris par les odalisques étonnées pour le dieu Mahomet, se divertit divinement. Plus tard, Faust entre à Rome ; il va droit au Vatican, où, invisible qu’il est, il se joue du saint-père, et d’un tour de main escamote à son nez, afin de les savourer lui-même, les mets succulens et les boissons exquises qu’on sert à sa sainteté. Parfois il part d’un éclat de rire, et le pape, qui se croit seul, est saisi de frayeur. Ici, comme partout d’ailleurs dans la légende de Faust, on croit percer une vive animosité contre la papauté et l’église catholique. Sous ce rapport, nous trouvons significatif l’ordre formel donné par Faust à Méphistophélès, après les premières évocations, de ne plus lui apparaître dorénavant, quand il l’appellerait, que sous le froc d’un franciscain. C’est dans cet habit monacal que nous le montrent les vieux livres populaires (et non les marionnettes), alors surtout que Méphistophélès discute avec Faust sur les mystères de la religion chrétienne. On sent que le souffle de l’époque, l’esprit de la réformation, a passé par là.

Méphistophélès non-seulement n’a point de forme réelle, mais il n’est pas devenu populaire non plus sous une forme déterminée, comme d’autres héros des livres populaires ; tels que Till Eulenspiegel, par exemple, ce rire personnifié dans la figure carrée d’un compagnon-ouvrier, ou bien comme le Juif errant à longue barbe séculaire, dont les poils blanchis par le temps semblent trahir par leur pointe noire une nouvelle sève rajeunissante. Il n’a pas non plus de forme déterminée dans les livres de magie ; qui cependant en donnent une à d’autres esprits. Aziabel, par exemple, y est constamment représenté comme un petit enfant, et le démon Marbuel, selon les termes exprès de ces livres, sous la figure d’un enfant de dix ans.

J’abandonne, soit dit en passant, à la décision des machinistes le choix du véhicule qui transportera dans les airs Faust et son compagnon infernal ; ils choisiront à leur gré ou les deux chevaux ou le grand manteau magique : ce dernier est plus populaire ; mais, pour les sorcières qui se rendent au sabbat, il faudra bien les faire chevaucher à califourchon, soit sur un monstre, soit sur quelque ustensile de ménage.

La monture ordinaire d’une sorcière allemande est un manche à balai, recouvert du même onguent merveilleux dont elle s’est enduit tout le corps auparavant. Quand son galant infernal vient la prendre, il se place devant, et elle derrière, pour l’ascension aérienne. La sorcière française profère, pendant l’acte de l’onction, les paroles suivantes : Emen Hétan ! Emen Hétan ! La sorcière allemande, qui s’échappe de la cheminée chevauchant sur son manche à balai, se sert de la formule sacramentelle : Du bas en haut, sans toucher ! Elles savent s’arranger de manière à rencontrer bonne compagnie dans les airs, et on