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mais on a voulu exécuter le programme tout entier et bâtir un édifice qui fût pour les ouvriers une preuve visible des intentions de la fabrique à leur égard. Si des circonstances imprévues ne viennent point la troubler dans son développement, cette institution est appelée à exercer une notable influence sur le sort de la population laborieuse.

Parmi les établissemens rentrant dans le cercle des associations de secours, il faut citer encore une Société alimentaire et une Société de patronage. Pour juger l’œuvre de la Société alimentaire, il faut savoir que les ouvriers sont dans l’usage, à Mulhouse, de s’approvisionner à crédit en présentant leur livret chez le boucher, l’épicier, etc. Or, il est inévitable que le consommateur qui achète à crédit achète plus cher la marchandise dont il a besoin. Le rôle de l’association consiste à vendre des alimens au prix de revient[1]. Comme les masses ont appris à se défier des institutions qui leur promettent des ventes à bon marché, il était essentiel que la Société alimentaire eût à sa tête, ainsi qu’elle en a effectivement, des personnes dont le nom seul suffit pour répondre du complet désintéressement des opérations. Des jetons pris à l’avance facilitent la régularité des distributions, qui n’a jamais été troublée. Avec un pareil mode d’assistance, le secours n’est pas une aumône ; il se mêle étroitement à un effort propre à l’individu qui en profite, tout en ayant pour point d’appui une bienfaisance éclairée qui abrite l’institution contre les suites de faux calculs ou de fâcheuses éventualités.

La Société de patronage, créée comme la Société alimentaire dans ces derniers temps, donne des secours sous la forme de travail ; elle y joint des distributions en nature et des prêts gratuits d’objets mobiliers. Les familles ouvrières nécessiteuses sont placées sous la protection immédiate d’un ou plusieurs membres de l’association. Une fois admise à jouir de ce patronage, une famille obtient de la besogne appropriée à l’état de ceux de ses membres qui, sans pouvoir utiliser leurs forces dans les ateliers de l’industrie privée, ne sont pas cependant frappés d’une incapacité absolue de travail. On occupe de cette manière des gens affectés de maladies chroniques, des convalescens, de vieilles femmes et quelques enfans. Les ouvrages exécutés par de tels ouvriers sont, comme on le pense bien, des plus communs ; on utilise souvent des matières premières qui seraient perdues, parce que la valeur de l’objet confectionné ne rendrait pas le prix de la main-d’œuvre. Le

  1. Le prix de trois repas par jour est au minimum de 35 centimes, et au maximum de 65 centimes, soit au siège de la société, soit au dehors. Le détail de chaque repas peut donner une idée de la vie des ouvriers à Mulhouse. La nourriture à 35 centimes par jour, qui ne saurait guère suffire qu’aux femmes et aux enfans, est ainsi composée : déjeuner, pain et café, 10 centimes ; dîner, soupe, légumes, pain, 15 centimes ; souper, soupe, 10 centimes. — La nourriture à 65 centimes comprend le déjeuner, 10 centimes ; le dîner, soupe, légumes, viande, vin, pain, 35 ; le souper, viande, soupe, pain, 20 cent.