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zone dévolue aux Huns, il allait recommencer la guerre. Tel était le contenu de la lettre apportée par les envoyés d’Attila, et que ceux-ci remirent à Théodose, en audience solennelle, au palais impérial, après quoi ils voulurent rendre visite, suivant l’usage, au premier ministre Chrysaphius. Un Romain nommé Vigilas, qui avait servi de truchement entre eux et l’empereur, et qui les connaissait déjà pour être allé l’année précédente chez les Huns, comme attaché d’ambassade, s’offrit à les guider jusque-là, et ils partirent de compagnie.

Pour se rendre de la salle des audiences du prince à la demeure de l’eunuque, porte-épée et premier ministre, on avait à parcourir tout l’intérieur des appartemens, ces galeries étincelantes de porphyre et d’or, ces portiques de marbre blanc, et ces palais divers renfermés dans un seul palais, qui faisaient de la ville de Constantin le lieu le plus magnifique de la terre. À chaque pas, Édécon s’extasiait ; à chaque nouvel objet, il s’écriait que les Romains étaient bien heureux de vivre au milieu de si belles choses et de posséder tant de richesses. Vigilas, dans la conversation, ne manqua pas de raconter à Chrysaphius l’étonnement naïf du Barbare et ses exclamations réitérées sur le bonheur des Romains, et, tandis qu’il parlait, une idée infernale vint traverser l’esprit du vieil eunuque. Prenant à part Édécon, Chrysaphius lui dit qu’il pourrait habiter, lui aussi, des palais dorés, et mener cette vie heureuse qu’il enviait aux Romains, si, laissant là son pays sauvage, il se transportait parmi eux. « Mais, répliqua Édécon avec vivacité, le serviteur d’un maître ne peut le quitter sans son consentement ? ce serait un crime. » L’eunuque, brisant là-dessus, lui demanda quel rang il occupait chez les Huns et s’il approchait librement son maître Édécon répondit qu’il l’approchait en toute liberté, qu’il était même un de ceux qui le gardaient, attendu que chacun des principaux capitaines veillait la nuit, à tour de rôle, auprès de la demeure du roi. — Eh bien ! s’écria l’eunuque enchanté de sa découverte, si vous me promettez d’être discret, je vous indiquerai un moyen d’acquérir sans peine les plus grandes richesses ; mais c’est une affaire qui demande à être traitée à loisir. Venez donc souper avec moi ce soir, mais seul, sans Oreste et vos autres compagnons d’ambassade.

Le Barbare fut exact au rendez-vous, où l’interprète se trouvait déjà. — Je ne veux que votre bien, lui dit Chrysaphius en reprenant la conversation du matin ; mais, que vous l’acceptiez ou non, jurez-moi que vous ne révélerez à personne au monde ce qui va se passer entre nous ; je m’y engage pour mon propre compte. — Ils joignirent leurs mains droites, et jurèrent en présence de Vigilas. Entrant alors en matière sans circonlocution, l’eunuque expliqua qu’il s’agissait de tuer Attila. — Si vous parvenez à vous défaire de lui, disait-il, et à gagner