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tendant à obtenir l’emploi de 2 millions et demi à l’apurement partiel de la dette de 10 millions contractée envers la Société de commerce des Pays-Bas. Tout un nouvel ordre d’idées découlait de cet amendement. M. de Man voulait arriver à l’extinction totale de cette dette, pour rendre à l’état la libre disposition des produits des Indes orientales et l’affranchir dorénavant des conditions contractées envers la Société de commerce, que lui et d’autres orateurs jugent onéreuses pour le trésor public. Ils prétendaient d’ailleurs que, par l’adoption de cet amendement, on ne préjugeait rien sur l’agence de la société, et qu’on voulait simplement donner plus de liberté à la réalisation des produits. Cette somme de liberté plus grande mettrait le gouvernement à même d’organiser la vente d’une partie des produits à Java même ; de là une économie considérable dans les prix de commission. En tout cas, on désirait qu’on se préparât enfin à examiner ces questions importantes soulevées depuis plusieurs années, et, si avant 1854 la dette n’était pas acquittée, la consignation obligatoire des produits à la Société de commerce continuerait à subsister sans modifications. Non-seulement des libéraux avancés, MM. van der Linden, de Frémery, mais M. van Goltstein, d’une nuance modérée, se sont rangés de ce côté. MM. Stolte, Lotsy, van Doorn, et les ministres des finances et des colonies ont combattu cette opinion. M. Stolte de son coup-d’œil pratique allait tout droit au vif de la question. L’intermédiaire d’un grand corps commercial pour la vente des produits coloniaux lui semblait essentiellement nécessaire au commerce national. Vendre les produits à Java, ce serait peut-être détourner ces produits du marché néerlandais, et par suite porter un coup mortel aux chantiers et à la navigation des Pays-Bas. Les ministres ont aussi combattu l’amendement de M. de Man au point de vue financier et à celui du droit ; ils se sont appuyés sur la lettre du contrat, d’après laquelle, tant que le gouvernement veut faire transporter dans les Pays-Bas les produits des colonies, il doit recourir à l’intermédiaire de la Société de commerce, soit qu’on acquitte la dette avant ou après 1854. Quoi qu’il en soit, l’amendement a été adopté par 38 voix contre 27. Aussitôt cette résolution prise par la seconde chambre, les bruits se sont répandus que M. van Bosse, ministre des finances, avait manifesté l’intention de déposer son portefeuille. Il n’est point impossible que M. van Bosse ne revienne sur sa résolution après un vote contraire de la première chambre. Les amis du ministre seraient les premiers à déplorer sa retraite ; son département embrasse bien des branches d’administration et demande des connaissances spéciales ; le choix d’un successeur de M. van Bosse ne serait pas sans difficulté.

En Turquie, la dernière quinzaine de janvier a vu la solution de l’affaire des lieux saints et un changement ministériel qui n’est point sans signification. Les influences diplomatiques sont d’habitude si actives à Constantinople, qu’il n’est pas toujours possible au divan d’échapper à cette action trop souvent dissolvante des cabinets. Cependant les efforts que le dernier ministère a faits pour revendiquer la liberté de ses mouvemens au milieu de la grande crise européenne n’ont pas laissé d’être heureux, et si ce ministère vient de se modifier sous l’empire de ces nécessités extérieures, auxquelles il ne pouvait se soustraire entièrement, cette concession n’est pas une défaite.

On sait que cette crise ministérielle, d’ailleurs si promptement terminée, est une conséquence de l’affaire des lieux saints, question trop peu remarquée,