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de Russie n’est point, comme nous l’avons dit, la sœur du roi de Prusse actuel, mais de Frédéric-Guillaume III, son père[1] ! On conçoit que des écrivains de cette force sur les généalogies princières possèdent aussi une statistique qui leur soit propre, et qu’après ces substitutions d’actes de naissance ils ne se fassent aucun scrupule de vous débaptiser les gens par centaines de mille. Tant pis pour les Croates, qui se vantent d’être des catholiques de la plus pure orthodoxie : ils sont grecs schismatiques sans le savoir, — et il y a quelqu’un en Belgique qui le sait pour eux, c’est le député-contrefacteur Cans et compagnie ! Nous avouons qu’en apercevant les ridicules bévues de ces dignes compagnons, débitées avec ce ton de suffisance, nous n’avons pas pris la peine d’examiner de bien près les prétendues additions dont se vantent des industriels si adroits dans l’art des soustractions ; mais il n’est pas besoin d’un grand effort d’entendement pour reconnaître que ces curieux appendices ne leur ont pas coûté plus cher que notre Annuaire. Ils ont dévalisé en partie quelques pauvres almanachs qui ne valaient pas sans doute la peine d’être pillés entièrement. Ils ont dérobé jusqu’aux haillons dont ils affublent notre Annuaire, pour lui ôter sa couleur nationale, tout en le débitant sous sa marque française. — Quoi ! ces pauvretés elles-mêmes seraient au-dessus de leur génie ! — Oui, nous en avons l’assurance : il n’y a dans leur édition falsifiée que les sottises qui leur appartiennent sans conteste, et qui portent l’empreinte évidente de leur personnalité.

Maintenant, pour les erreurs de dates et de noms propres qu’ils nous attribuent, on nous permettra bien de nier la compétence des éditeurs welches, et ce qu’il peut y avoir de tant soit peu fondé sous ce rapport avait été corrigé déjà par nous dans un erratum que depuis six mois nous avons mis à la disposition de nos lecteurs. Faut-il donc apprendre aussi à ces scrupuleux et savans contrefacteurs que nous apportions une telle surveillance dans la révision de cette œuvre, que nous avons presque toujours eu recours à l’obligeance des agens étrangers résidant à Paris, les priant de relire les épreuves des chapitres de l’Annuaire consacrés à leurs pays ? M. le ministre de Belgique à Paris (nous lui demandons pardon de cet aveu, que nous arrache malgré nous la sotte jactance de ses compatriotes de la contrefaçon) nous a notamment rendu le service de revoir les épreuves du chapitre belge, que le copiste inintelligent prétend rectifier en y ajoutant des interpolations dont nous sommes obligés de désavouer l’esprit et le style. Eh ! de bonne foi, à qui persuadera-t-on que des hommes de cet ordre, des gens de ce savoir, puissent en remontrer à qui que ce soit, et à plus forte raison à des hommes qui ont leur place dans les lettres françaises ? Jusqu’ici, la contrefaçon s’était contentée d’exercer son industrie en silence et dans une prudente modestie à l’égard des gens qu’elle dépouillait ; il était réservé au député-contrefacteur Cans d’introduire les habitudes de M. Trissotin dans son code de la piraterie.

Les contrefacteurs Cans et Melime assurent aussi avec leur aplomb ordinaire qu’ils fabriquent mieux et à meilleur marché que l’imprimerie française. Ceci n’est pas plus exact que le reste, c’est une forfanterie plus risible encore. Ils

  1. On nous le déclare par une note formelle de la page 724 de la contrefaçon, sans doute pour nous donner une leçon d’histoire contemporaine. Il est facile de voir que le député de Bruxelles n’a pas encore eu l’idée de contrefaire et de perfectionner l’Almanach de Gotha.