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firent partie les principaux membres de l’ancien, et tous ensemble déclarèrent qu’ils allaient se mettre à constituer la république démocratique et à la gouverner. Ce que fut ce soi-disant gouvernement, tout le monde le devine. Il aurait augmenté, si cela eût été possible, le désordre qui dévorait les États Romains ; trouvant ce désordre au comble, tout ce qu’il put faire fut de l’entretenir. Il n’y manqua pas, et durant les six semaines qu’il dura, du 19 février au 29 mars, ce ne fut qu’une succession d’actes d’extravagance et de violence qui inspirèrent à toute la population honnête le dégoût, l’horreur ou l’effroi. Le petit nombre de députés qui avaient eu le courage de voter contre l’établissement de la république, furent publiquement désignés à la haine des factions, et chacun, depuis le 16 novembre, savait jusqu’à quelles extrémités pouvait se porter cette haine. Les montagnards de l’assemblée, car elle eut ses montagnards, cela va sans dire, coiffèrent le bonnet rouge ; un jour, en grande pompe, ils le firent placer sur la croix qui surmonte l’obélisque de la place du Peuple ; les propriétés furent publiquement menacées, les constitutionnels obligés ou de se cacher ou de fuir ; la presse devint hideuse ; la religion fut l’objet de continuelles insultes, les églises furent souillées de cérémonies dérisoires : Rome enfin souffrit les saturnales de l’anarchie. On gagna de la sorte le mois de mars, où l’arrivée d’un personnage que depuis long-temps les révolutionnaires attendaient vint donner à cet immense désordre la consécration, officielle du chef du parti dont il était l’œuvre : je veux parler de M. Mazzini.

On sait l’histoire de cet homme déplorablement célèbre ; toute son existence se peut résumer en un mot : depuis qu’il vit, il conspire. Il y a vingt ans, il débuta dans cette triste carrière par un écrit adressé au roi de Piémont, dans lequel il l’engageait à profiter de l’ébranlement causé à l’Europe par la révolution de juillet pour marcher sur Milan. Charles-Albert n’ayant pas tenu le compte que sans doute il devait de ce bel écrit, ne l’ayant peut-être même pas lu, M. Mazzini, en 1834, entreprit de mettre lui-même ses conseils à exécution. En compagnie d’un général d’aventure, depuis fusillé pour soupçon de trahison, le général Ramorino, il conduisit à la délivrance et à la conquête de l’Italie un millier environ d’émigrés italiens, polonais et hongrois, qu’une compagnie de douaniers piémontais mit en déroute à la frontière de Savoie. Par deux fois désabusé de ce qu’il devait attendre de la provocation et de la force ouverte, M. Mazzini commença dès-lors à demander exclusivement au travail souterrain des sociétés secrètes la réussite d’un dessein grand par lui-même, puisqu’il avait, pour but l’affranchissement de son pays, mais que sa confusion avec le triomphe des doctrines et l’emploi des moyens révolutionnaires ne devait qu’égarer, trahir et perdre. Il forma, sous le nom de