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l’applaudissez donc pas, ne donnez pas ce facile encourageaient à la tergiversation politique. Maintenez par-dessus tout la ligne de démarcation entre les partis, car c’est seulement en conservant l’indépendance des partis que vous conserverez l’intégrité des hommes publics et l’influence du parlement lui-même. » - M. Disraeli s’assit, et les applaudissemens durèrent pendant plusieurs minutes. Les tories avaient repris leur élan. Leur cartel de combat était lancé. La chambre se sépara dans une bruyante agitation.

Pour raconter l’histoire quotidienne de la résistance des tories, il n’y aurait qu’à traduire le livre de M. Disraeli. Nous nous bornerons à dire comment cette résistance fut organisée, de quelles considérations et de quels intérêts permanens de politique conservatrice elle s’appuya, et quelles en furent les conséquences.

Dès que sir Robert Peel eut exposé le détail des mesures annoncées, les protectionistes les plus considérables et les plus éminens s’appliquèrent à organiser leur parti. Lord George Bentinck eut naturellement la plus grande part dans cette organisation. Il était convaincu qu’une vigoureuse résistance opposée aux mesures de sir Robert Peel par la masse du parti conservateur dans la chambre réveillerait les sentimens encore étouffés ou inertes de leurs partisans dans le pays. On se réunit au siége de la société pour la protection de l’agriculture ; on se distribua les rôles dans le premier débat qui allait s’ouvrir ; on convint d’une tactique ; on calcula ses forces et ses chances ; on se compta, et l’on trouva que l’on avait encore tous les élémens d’un parti puissant. Seulement, on voulait un chef, un leader, et tous les yeux se tournaient sur lord George Bentinck.

On ne s’est jamais figuré en France ce qu’est le rôle du leader d’un parti dans la chambre des communes. Cette fonction, indispensable dans le jeu du système représentatif, n’a jamais été remplie dans nos assemblées. Rien ne fait plus sentir que cette lacune combien la pratique des institutions parlementaires est demeurée incomplète chez nous. Le leader d’un parti est l’homme qui en est le centre, l’ame, le recruteur, le manoeuvrier et l’orateur dans toutes les discussions. Il faut à un leader cette autorité native on acquise qui attire ou s’impose, la connaissance des hommes et le talent de les manier, la force de volonté indomptable qui peut seule surmonter les fatigues et les dégoûts inséparables de la vie publique et du contact incessant des hommes, une instruction politique universelle, l’esprit de généralisation, l’esprit de détail, surtout la présence d’esprit, d’immenses facultés de travail pour centraliser les informations et les études sur toutes les questions, une assiduité quotidienne à la chambre des communes où il est obligé de prendre presque chaque jour la parole, un talent,oratoire qui s’assouplisse au terre à terre des discussions ordinaires, et