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au pape, dans lequel il l’exhortait à avoir confiance (aver fede) ; lui, Mazzini, répondait de tout. Cependant il envoyait des agens en Italie, chargés d’échauffer les esprits. En janvier 1848, la police de Paris sut qu’il était venu secrètement en France, et que de là il avait envoyé à Rome quelqu’un des siens pour étudier le caractère de Cicervacchio, le sonder, tâcher de l’entraîner dans le parti, et en tout cas se servir de son enthousiasme et de son influence sur les masses. On sut encore qu’il avait donné à ses affiliés la consigne, très habilement exécutée par eux tous, loin de s’opposer au mouvement libéral et constitutionnel qui emportait l’Italie, de le favoriser au contraire, en criant plus haut que personne : Vive Pie IX ! vive le grand-duc de Toscane ! vive Charles-Albert ! sauf à exploiter, le cas échéant, toutes les réformes, s’il en sortait quelque jour l’objet de tous les vœux de la Jeune-Italie, la guerre et la révolution.

Ce déplorable vœu allait être exaucé. Paris donna le signal du bouleversement universel. M. Mazzini traversa la France en hâte, et, dès les premiers jours d’avril, arriva à Milan. Là, que fit-il ? Il avait, malgré tout son passé, un beau rôle à remplir dans ce printemps de 1848 qui lui avait rendu, avec le ciel de sa patrie, toutes les généreuses espérances de sa jeunesse ; mais quand on a conspiré dix-huit ans de sa vie, que peut-on faire, sinon de conspirer encore, de conspirer toujours ? M. Mazzini en fut la preuve. Il montra, après tant d’autres, combien l’esprit de conspiration est incompatible avec l’esprit de gouvernement, combien les machinations souterraines du sectaire sont une détestable école pour le patriote et l’homme d’état. Il fit à Milan ce qu’il avait fait à Londres de 1831 à 1848, ce qu’il y fait aujourd’hui encore, ce qu’il fera jusqu’à sa dernière heure, ce qu’il ferait contre lui-même, s’il n’y avait plus d’autre pouvoir à attaquer sur la terre que le sien : il conspira.

Il conspira, et de la plus triste et de la moins noble manière. Le roi de Piémont avait passé le Tessin et prodiguait sa vie et celle de ses deux fils au milieu des combats. M. Mazzini, bien tranquille à Milan, entouré d’une cour d’agitateurs auxquels il dispensait, de son air le plus inspiré, la parole de vie, nourrissait la discorde sur les derrières de l’armée piémontaise. Il traitait cette campagne généreuse et patriotique, s’il en fût, des Piémontais en Lombardie de guerre royale. Il demandait la convocation d’une constituante italienne ; aux premiers échecs de Charles-Albert sur le Mincio, il criait à la trahison, déclamait sur la levée en masse, et fomentait la ruine de son pays en y soufflant l’esprit de division.

De Milan, bientôt M. Mazzini transporta sa cour à Florence, mais il y demeura peu de temps : c’est à Rome qu’il lui tardait d’arriver. Rome lui offrait alors un théâtre unique, le théâtre qu’il avait rêvé toute sa