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« Il faudra seulement prouver que votre mariage est régi par cette loi : pure question légale, et bien des circonstances militent en votre faveur. Votre mari est Écossais. Vous avez été mariée en Écosse ; vous y résidez, sauf l’intervalle des sessions parlementaires où les devoirs de sir Stephen le rappellent à Londres. Malgré tout cela, il faut recourir aux jurisconsultes les plus éclairés avant d’engager pareil débat, et les consulter sur le mode le plus prompt d’en venir à le faire juger.

« Allez en Angleterre, allez à Londres. L’avocat dont vous trouverez l’adresse au bas de cette lettre, homme éminent dans sa profession, prendra les avis de ses confrères d’Édimbourg, et vous donnera les indications les plus certaines. Il ne s’agit ici que de faits notoires dont il est aisé de fournir les preuves. Je ne puis voir qu’une issue à ce procès - en supposant qu’on s’obstine à le soutenir contre vous : — c’est une décision légale qui vous rendra la liberté, qui vous rendra un avenir.

Cet avenir, je ne veux pas même vous en parler. Je vous promets ici solennellement, pour le cas où mes conseils seraient suivis et ma protection acceptée, de ne pas respirer le même air que vous, pas un jour, pas une heure, avant que vous ayez cessé d’appartenir à un autre. Vous m’écrirez seulement, et l’ami auquel je vous recommande vous donnera toute l’assistance requise par les difficultés de votre position.

« Si vous acceptez, renvoyez-moi Sandy, et je prendrai tous les arrangemens nécessaires pour votre départ. Si vous dites non… Mais, Eleanor, je ne puis attendre qu’une réponse… J’y compte… Je ne vivrai qu’après l’avoir reçue.

« D. S. »

— Sandy, dit Eleanor d’une voix basse et tremblante, vous allez repartir pour Ardlockie. Vous direz à M. Stuart que je consens. Soyez ici demain matin, car vous partirez avec moi. Je serai prête à midi précis.

Elle quitta le lendemain, pour n’y plus rentrer, la maison de son mari, le toit sous lequel elle avait tant souffert… et quand elle le vit s’effacer dans les froides brumes d’une journée pluvieuse, alors, alors seulement elle comprit, au serrement de son cœur, quel sacrifice elle venait d’accomplir.

Fidèle à sa promesse, David Stuart ne la suivit point à Londres, où il lui avait conseillé de se rendre ; mais n’était-ce pas trop présumer de l’énergie d’Eleanor que de la laisser ainsi toute seule aux prises avec sa destinée, sans autre secours que l’appui de quelques savans jurisconsultes ? Avait-il bien réfléchi au compte terrible que cette jeune femme, jusque-là sans reproche, allait avoir à se demander, une fois délivrée des quotidiennes obsessions de l’amour ? Et s’il ne comprit pas tout cela, s’il ne fit pas toutes ces réflexions, si, dévoré de mille inquiétudes,