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dans la religion et dans l’église, révolutions qui aboutiraient l’une et l’autre, d’abord à un schisme de gouvernement, ensuite à un schisme de croyances. L’Occident catholique, privé de centre, se déchirerait en autant de sociétés religieuses qu’il compte de sociétés politiques, et l’unité de la foi se perdrait dans la division des églises.

Telle serait la première conséquence de cette déchéance temporelle des papes que les radicaux s’en vont proclamant comme la panacée de la société européenne. Cette prétendue panacée ne serait que le germe d’une discorde et d’une désunion nouvelles. En présence de l’unité redoutable de la constitution religieuse du bord, quelle hâte y a-t-il de réduire en poussière les grands et majestueux débris que nous possédons encore de l’unité de l’église romaine ? nous le demandons, opinion philosophique ou religieuse à part, à tous les gens sensés.

Il est ensuite aisé de voir que cette déchéance politique des papes entraîne nécessairement un remaniement de territoires en Italie, et comment remanier le territoire italien sur un point aussi délicat sans allumer une guerre universelle ? Les radicaux sans doute sont peu touchés de l’objection, mais tous les hommes modérés la compteront pour quelque chose, et il est bien entendu que c’est pour eux seuls ici que nous parlons.

Enfin, en se plaçant au point de vue de l’intérêt de l’Italie, on comprend à peine comment cette idée de supprimer le pouvoir politique des papes, et, par voie de conséquence, la papauté même, a pu germer dans une seule tête italienne. Quelques jours avant de mourir, M. Rossi écrivait de sa main ferme et sûre ces paroles d’une vérité profonde : « La papauté est la dernière grandeur vivante de l’Italie. » En effet, tout est là pour la péninsule. Supprimez le pape, ce ne sont plus que quelques petits états, très jaloux les uns des autres, plus soucieux de la petite nationalité politique que leurs traditions particulières leur ont faite que de la grande nationalité qu’ils tiennent de la nature, de la géographie, de la langue et de l’histoire, et la dernière espérance de voir ce beau pays se régénérer se dissipe et s’évanouit. Si l’unité fédérative de l’Italie et plus tard son indépendance peuvent sortir de quelque ville en effet, c’est de Rome. La papauté supprimée, Rome déchoit, comme Venise, à l’état de simple monument historique, et l’Italie perd le dernier de ses liens. Je n’ai pas besoin de dire ce que deviennent les nations qui tombent dans un état pareil ; les annales du genre humain le racontent : elles s’éteignent.

Je n’insiste pas sur cette réfutation du radicalisme, non plus que je n’ai fait sur celle du système opposé avec lequel celui-ci lutte d’exagération et de violence. Il suffit d’avoir rappelé à leur égard ce que tout le monde sait : que ni l’un ni l’autre ne fondent rien ; que l’un et l’autre, pour rappeler une parole célèbre, « coupent l’arbre pour avoir le fruit ; »