Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

HISTORIENS MODERNES


DE LA FRANCE.




LE COMTE ALEXIS DE SAINT-PRIEST.




Il n’y a pas tout-à-fait deux ans que M. Alexis de Saint-Priest, dans la force de l’âge et du talent, faisait une entrée brillante à l’Académie française. Les dons éminens qui, depuis sa jeunesse, avaient fait le charme de toute la société polie, apparaissaient ce jour-là dans tout leur éclat au public plus étendu qui se presse dans ces solennités littéraires. Son discours, d’une familiarité élégante, ressemblait à sa conversation : c’était la même variété d’aperçus, le même tour d’ironie fine ; la même surabondance de traits heureux. Ceux qui n’avaient fait que lire M. de Saint-Priest l’entendaient causer, et, malgré le mérite de ses écrits, c’était là encore la seule manière de faire vraiment connaissance avec lui.

La mort, quoi qu’on en dise, ne frappe point également, parce que la vie ne semble pas donnée à tous les hommes à doses égales. Il en est qui, par l’activité de leur pensée comme par le mouvement de leur sang, veulent vivre deux fois plus vite et deux fois plus. Il en est aussi qui répandent si libéralement les dons de leur intelligence, que le jour où la source tarit, la perte se fait sentir assez loirs autour d’eux. M. de Saint-Priest était de ceux-là. Actif, studieux, capable (il l’a bien montré) de mener à fin des recherches approfondies et des travaux de longue haleine, il vivait pourtant de la conversation. Son esprit s’animait au contact des idées d’autrui. C’était pour ses rares facultés un exercice salutaire à peu près indispensable. La parole lui