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suscitant ni difficultés ni procès, ne nécessitant ni un personnel nombreux, ni frais de gestion considérables, n’offrent aucun attrait aux agioteurs et aux coureurs d’emplois, les deux classes de gens qui, intéressés d’ordinaire au succès des entreprises nouvelles, les lancent avec fanfares, et parviennent ainsi à les vulgariser.

En France, les hommes qui se font une idée exacte du crédit foncier sont probablement moins nombreux encore qu’en Allemagne. Les éclaircissemens n’ont cependant pas manqué depuis environ quinze ans que cette affaire est à l’étude. Un mémoire sur les associations territoriales de la Prusse, lu à l’Académie des Sciences morales par M. Wolowski, donna le premier éveil à l’opinion : de ce travail, ainsi que de la lumineuse analyse qu’en fit M. Rossi, il résultait que la législation française en matière d’hypothèques faisait obstacle à l’application du mécanisme éprouvé en Allemagne. Le gouvernement s’empressa de consulter les cours de justice et les facultés de droit sur l’opportunité des changemens qu’on proposait d’introduire dans notre système hypothécaire. Les réponses contradictoires des magistrats et des professeurs, recueillies en trois énormes volumes, ont composé une glose fort érudite sans doute, mais sans conclusion. D’un autre côté, M. Roger publiait le recueil des statuts et des renseignemens relatifs aux établissemens qu’il avait observés en Allemagne. Les conseils généraux de l’agriculture et du commerce, invités à se prononcer sur la question du crédit agricole, procédaient à une enquête, publiée en 1846 et souvent consultée.

Après la révolution de février, les vagues notions répandues sur le crédit foncier se confondirent avec les théories à la mode sur le papier-monnaie. La tendance générale était de mobiliser le sol et de précipiter le courant des affaires, en émettant des papiers à cours forcé. Au mois de mai 1848, le ministre des finances déclara à la tribune qu’il avait déjà reçu cent cinquante ou deux cents plans de cette nature : il en existe certainement le double aujourd’hui. Ce système, formulé en projet de loi par quelques membres de l’assemblée constituante, ne résista pas à l’épreuve de la discussion publique.

On en revint modestement à la théorie allemande. Des propriétaires et des hommes de loi, réunis sous la présidence de deux anciens maires de Paris, se constituèrent en association centrale, dans la pensée d’éclairer l’opinion publique par des publications, et de solliciter l’initiative du gouvernement. Un comité de six personnes, choisies au sein de cette réunion, eut mission de rédiger des statuts, et de préparer les bases d’une société-modèle qui entrerait en exercice dès qu’elle y serait autorisée par une loi. Une légitime influence fut bientôt acquise à’ un des membres de ce comité, M. Josseau, avocat, qui, joignant l’intelligence des intérêts agricoles à la science des lois et à la pratique judiciaire,