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les femmes et les mineurs. Le système germanique, auquel se rattachent l’Allemagne presque tout entière, la Suisse allemande, la Hollande et la Grèce, a pour principe absolu que l’inscription sur les registres publics est l’unique preuve des droits qu’on peut avoir sur les propriétés. Ce système n’admet aucune exception à la règle de la publicité, règle qui détermine le classement des créances par ordre de dates. L’hypothèque proprement dite ne s’est pas introduite dans la loi anglaise : elle eût été incompatible avec le principe féodal qui régit encore la plus grande partie du sol. On emprunte seulement sur les propriétés transmissibles par le moyen du mort-gage, qui est une sorte de vente à réméré. Cette dernière coutume est passée dans les colonies d’origine anglaise, et surtout dans les États-Unis d’Amérique. À défaut d’hypothèque légale, les droits des incapables sont sauvegardés par la vigilance des parens et amis, qui, au moindre soupçon, appellent devant les tribunaux les tuteurs suspects de déloyauté ou d’imprudence. En dépit de ces exemples, on ne sait quelle force d’inertie a paralysé toutes les tentatives faites depuis dix ans pour modifier la loi hypothécaire dans lin sens favorable à l’extension du crédit immobilier. Serait-ce que l’hypothèque légale et les droits occultes sont d’excellentes machines à procès ?

Une autre cause d’anxiété détourne beaucoup de personnes des placemens sur hypothèques. À tort on à raison, les législateurs français ont cru devoir opposer des entraves à la dépossession des propriétaires d’immeubles. Vous comptiez sur un remboursement, il vous écheoit un procès. Une procédure en expropriation dure trois mois au minimum, quand il n’y a pas d’incidens. Le moins qu’elle puisse coûter, c’est trois ou quatre cents francs, lors même qu’il s’agit de vendre une cabane de trois cents francs : il est vrai qu’il n’en coûterait pas beaucoup plus pour arriver à la vente d’un domaine de 100,000 fr. Le directeur de l’ancienne caisse hypothécaire, M. Silvy, appelé récemment devant le conseil d’état, a cité un exemple qui nous paraît être l’idéal du genre : « Une expropriation forcée, commencée à Carcassonne en 1827, a-t-il dit, s’est terminée le 9 mai 1844. Il y a eu dans cette saisie monstre 172 incidens, 172 jugemens. 172 appels, plusieurs pourvois en cassation. La somme des frais s’est élevée à 300,000 fr. ; la somme en litige n’eût été que de 200,000 francs, que les frais eussent été les mêmes. Il y a plus : nous n’avons obtenu du tribunal le droit de poursuivre l’expropriation de notre débiteur qu’à la condition de lui servir une pension alimentaire de 18,000 francs pendant le procès, à cause du séquestre, de sorte que la partie saisie faisait durer la guerre à nos dépens au moyen de ces 18,000 fr. ! » C’est partout une nécessité pénible que celle d’exécuter un débiteur : dans les campagnes, cela devient souvent un péril. Le paysan qu’on poursuit tient plus à son