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au rachat d’un certain nombre de lettres de gage. Un tirage au sort, comprenant toutes les lettres d’une même série, désigne celles qui doivent être amorties. L’administration fait connaître au public les numéros sortis, et, à mesure qu’ils lui sont représentés, les rembourse au pair et quelquefois même en attribuant une prime aux premiers numéros. Toutes les émissions de chaque série annuelle se trouvent ainsi éteintes au bout d’une période plus ou moins longue, selon que l’amortissement est plus ou moins énergique.

Chaque société, formée par la réunion des propriétaires emprunteurs engagés solidairement, est gérée, sous la surveillance de l’état, par un directeur et par un conseil d’administration choisis en assemblée générale, suivant l’usage des grandes sociétés financières.

En théorie, tout, dans cette organisation, est simple, judicieux, fécond, équitable ; mais la pratique sera-t-elle aussi heureuse chez nous qu’en Allemagne ? La situation économique, les tendances de la spéculation sont-elles les mêmes dans les deux contrées ? et, pour tout dire en un mot, les lettres de gage auront-elles, en France comme en Prusse, la vertu de se métamorphoser en argent comptant ? Cette dernière question pose, pour le crédit foncier, cette alternative suprême : être ou n’être pas.


IV. – RESULTATS PROBABLES.

L’essence du crédit foncier est d’emprunter en déléguant une partie des revenus de la terre, de même que, dans le crédit public, l’état emprunte en déléguant une partie des impôts.

L’état, en France, a trouvé moyen d’emprunter ainsi une somme de 6 à 7 milliards, dont les titres circulent de mains en mains. Cette somme énorme est le produit des économies de plusieurs siècles. Les nouvelles économies réalisées chaque année dans les familles aisées par les bénéfices de spéculation ou par l’excédant des recettes sur les dépenses[1] ne doivent pas s’élever à plus de 2 ou 300 millions ; ce capital, à peine formé, est sollicité de cent côtés à la fois, et s’éparpille dans les rentes françaises et étrangères, la dette flottante du trésor, les caisses d’épargne et de retraite, les emprunts des villes et des communes, les banques, les chemins de fer, les actions industrielles, les commandites et obligations particulières. Toutes ces valeurs sont tenues en oscillation par les hommes de finance, de manière à fasciner la foule par l’attraction des bénéfices aléatoires. Or, voici venir un nouvel emprunteur, le plus gros, le plus besoigneux de tous, dénué

  1. Les prêts sur hypothèques, dit M. Chegaray dans son rapport, atteignent chaque année la somme de 5 ou 600 millions, il est vrai ; mais ces prêts ne sont en réalité que des transferts de créances. Ils proviennent d’un roulement de capitaux consacrés depuis long-temps à des placemens hypothécaires.