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À mon cœur de vieillard cette nature est douce ;
Je connais cet ennui qui vers elle te pousse.
Il semble que ton luth au son triste et charmant,
Je l’entendis en moi murmurer vaguement.
Sois salué vainqueur ! C’est à toi que j’accorde,
— Puisque toi seul tu peux l’enrichir d’une corde, —
Ma lyre d’Ionie, antique et saint trésor,
Qu’Athènes cisela dans l’ivoire et dans l’or !
Jeune homme, elle est aussi d’origine céleste ;
Moi, je meurs ! oh ! prends-la : le don sacré lui reste
D’imprimer aux accords d’harmonieux contours ;
De tes vagues chansons plie à ses lois le cours,
Et qu’un doigt plus soigneux, sur ta toile agrandie,
Brode en vives couleurs la chaste mélodie.
Toi, prends la coupe, Admète, et le don plus joyeux
Qui verse une autre ivresse et vient aussi des dieux ;
Partage-lui tes fleurs ainsi que tes caresses ;
Son bois gardera mieux les roses que tu tresses
Que le front de Myrto, prête, hélas ! dès demain,
À s’orner d’un bouquet reçu d’une autre main.
Dans cette coupe alors, près de quelqu’autre belle.
Va boire un vin plus vieux à ton amour nouvelle.
J’aime aussi ta chanson ; j’entendais autrefois
Les flûtes des bergers la dire autour des bois :
C’est d’un tel souvenir que coule cette larme ;
Mais, — d’un dieu je subis sans doute ici le charme, —
Pour un autre est le prix, puisqu’autres sont les temps.
Je te l’aurais donné, si j’avais eu vingt ans !


VICTOR DE LAPRADE.