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— Non sans doute, ce n’est point une émigration ; nous ne l’ignorons pas, il y a bien des gens qui ne demandent pas mieux que de voir la France prospérer, qui seront heureux de toucher leurs revenus, de venir à Paris l’hiver et d’aller dans leurs châteaux l’été, qui se réserveront même intérieurement de savoir gré au gouvernement d’éloigner,les conflagrations possibles en Europe, de tenir en respect les bandes socialistes, de multiplier les travaux de la paix, d’alléger les finances surchargées, — à une condition toutefois, c’est qu’ils n’y coopéreront pas. La condition est assurément modeste pour ceux-là ; ils ne risquent qu’une chose, c’est d’être pris au mot. Peut-être y a-t-il encore un autre inconvénient, c’est qu’en général le pays ne connaît guère que qui le sert. — Quoi encore ? reprendra-t-on ; faut-il sanctionner les faits accomplis ?

Nous ne savons jusqu’à quel point il peut être utile d’élever à tout propos des thèses de philosophie politique ; ce que nous savons, c’est qu’il n’y a que deux sortes d’hommes qui aient été très logiques dans leur négation des faits accomplis, sans que nous songions du reste à établir entre eux aucune ressemblance autre que celle-ci : ce sont ceux qui, pendant la révolution, supprimaient quatorze siècles de monarchie et faisaient tout dater d’eux-mêmes, et ceux qui, en 1815, supprimaient vingt-cinq années de l’histoire de France, parmi lesquelles se trouvaient quelques-unes des plus glorieuses de nos annales. Ce que nous savons encore, c’est qu’il est certaines heures où le pays, fatigué, lassé de fluctuations, n’aspire qu’au repos, à une vie moins agitée, au développement régulier et calme de ses élémens intérieurs. Il n’y a qu’un moyen de le servir selon son goût, c’est de travailler à son raffermissement, de l’aider à se relever des coups de foudre qu’il a essuyés, sans séparer sa fortune morale de sa fortune matérielle. Le moindre danger de tout le reste, c’est d’être peu populaire aujourd’hui et de créer une politique de combinaisons fragiles, d’illusions qui ne sont pas toujours juvéniles, trop visiblement distincte de la politique réelle qui est dans les tendances publiques.

Rentrons dans un domaine plus ordinaire. Les incidens politiques, il est vrai, sont peu nombreux ; il faut bien s’accoutumer à ne point voir surgir chaque jour quelqu’un de ces épisodes qui nous passionnaient autrefois et faisaient de notre existence un drame saisissant et splendide, non sans grandeur parfois, mais aussi non sans péril. Ce que n’ont pas compris trop souvent ceux qui parlaient le plus de ces régimes parlementaires sous lesquels nous avons vécu, c’est qu’ils exigeaient nécessairement, chez ceux qui étaient chargés de les pratiquer, une vigilance de chaque heure, de chaque minute, pour rester maîtres du drame, puisque nous avons usé de ce mot. Un moment de faiblesse chez ceux-ci, un moment de déviation dans l’opinion, et l’action appartenait au plus hardi, au plus violent, comme cela est arrivé. La vie politique aujourd’hui est sujette à d’autres conditions et à d’autres lois dont le but, nous en convenons, est de restreindre la part de ces surprises possibles, et dont le résultat est aussi d’offrir moins d’alimens à la curiosité publique. Faute d’événemens, les fêtes se succèdent et se multiplient dans les régions officielles. Tout ce qu’on peut demander aux fêtes en général, c’est d’être des intermèdes et point l’action principale. Si les divertissemens ont leur place dans le mouvement d’une société bien réglée, ce n’est point au détriment de travaux plus sérieux. Le corps législatif est encore en possession du budget, dont la discussion sera