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d’arriver aux affaires. M. Gladstone, qui a fait éprouver au cabinet son premier échec en hâtant la dissolution du parlement ; MM. Cardwell et Sidney Herbert, qui, il y a quelques mois, n’étaient pas sûrs de leur réélection, ont repris tous leurs avantages. Qu’ils prennent garde cependant, l’outrecuidance les gagne en vérité beaucoup trop vite. Il y a quelque temps, on annonçait comme devant figurer dans le prochain ministère du free trade les trois chefs de parti qui s’accordent sur cette question, lord John Russell, sir James Graham et M. Cobden ; aujourd’hui les peelites repoussent avec énergie lord John Russell. Nous voyons avec joie que les électeurs libéraux de la Cité de Londres n’ont pas conservé contre le très honorable lord les mêmes rancunes. Lord John Russell sera réélu par la Cité, et ira défendre, comme par le passé, le choix que les électeurs viennent de faire du baron de Rothschild ; il viendra, comme par le passé, battre en brèche les vieilles barrières qu’avaient élevées à d’autres époques l’esprit national et la foi religieuse, mais qui aujourd’hui sont inutiles à la préservation de l’Angleterre et nuisibles à la considération de la foi protestante. La lettre de lord John Russell à ses électeurs est digne de tout éloge : elle dit, à la vérité, plutôt ce que lord John Russell aurait voulu faire et voudrait faire que ce qu’il a fait, mais elle rappelle modestement que l’administration du cabinet whig, si elle n’a pas créé, comme la précédente administration de sir Robert Peel, une politique nouvelle, s’est efforcée de la continuer par l’abrogation des lois de navigation et l’extension du free trade à d’autres produits que les céréales, qu’elle a maintenu, malgré lord Palmerston, la paix de l’Europe, et que, si elle n’a pas apaisé les fermens de discorde qui s’agitent en Angleterre, elle ne les a pas augmentés. Ces titres en valent certainement bien d’autres.

L’Allemagne, depuis quelques années, est périodiquement le théâtre de grandes réunions diplomatiques. — Questions fédérales, questions de douane, craintes de guerre au dedans ou au dehors, les prétextes ne manquent point. La confédération germanique n’a pas tenu depuis janvier moins de trois conférences douanières de la plus haute portée, celle de Vienne, celle de Darmstadt et celle de Berlin, dont les travaux paraissent encore loin de toucher à leur terme. L’on a vu se reproduire successivement dans ces trois réunions, sous le manteau des intérêts matériels, toutes les prétentions politiques des divers cabinets allemands : — à Vienne, l’idée de l’incorporation de l’empire à la confédération ; à Darmstadt, l’idée d’une union plus étroite des états secondaires à côté des deux grandes puissances rivales, comme pour établir entre elles un équilibre toujours près de se rompre. — Enfin le renouvellement pur et simple du Zollverein, que demande aujourd’hui la Prusse aux plénipotentiaires des états représentés à Berlin, ressemble, à s’y méprendre, au célèbre plan d’union restreinte dont elle espérait en 1850 faire le noyau de l’Allemagne de l’avenir.

La diplomatie néanmoins a un moment oublié ces projets et contre-projets que la Prusse, l’Autriche et les petits états échangent ainsi, non sans aigreur. Si souvent visité à Varsovie depuis deux ans par les hommes d’état et les souverains de l’Allemagne, le tsar est venu à son tour s’entretenir avec son allié l’empereur d’Autriche et son beau-frère le roi de Prusse, — de quels intérêts ? De ceux de l’Allemagne ou de ceux de l’Europe ? Il faut le reconnaître, le moment