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Je ne dis rien du père,
Car il est incertain.
Tin, tin, trelin, tin, tin, tin, tin.

À Liancourt, n’ayant rien à faire, et impatienté de voir sa sœur et ses belles amies rester si long-temps à l’église le jour de la Toussaint, il leur décocha cette épigramme[1] :

Donnez-en à garder à d’autres,
Dites cent fois vos patenôtres,
Et marmottez en ce saint jour.
Nous vous estimons trop habiles ;
Pour cuir des propos d’amour,
Vous quitteriez, bientôt vigiles.

Il avait eu quelque temps avec lui à Liancourt, entre autres amis, le marquis de Roussillon, excellent officier et homme d’esprit, dont il est plus d’une fois question dans les lettres de Voiture, et l’intrépide marquis de La Moussaye, qui lui fut fidèle jusqu’au dernier soupir, et pendant la captivité de Condé alla s’enfermer avec Mme de Longueville et Turenne dans la citadelle de Stenay, où il mourut jeune encore. Roussillon et La Moussaye ayant été forcés de quitter Liancourt pour s’en aller à Lyon, Condé, comme pour imiter la lettre de sa sœur à Mlles du Vigean, en écrivit ou en fit écrire une du même genre à ses deux amis absens. Nous donnons cette pièce presque entière, parce qu’elle est de Condé, ou que du moins Condé y a mis la main, surtout parce qu’elle peint au naturel la vie qu’on menait alors à Liancourt, à Chantilly et dans toutes les grandes demeures de cette aristocratie du XVIIe siècle, si mal appréciée, qui, pendant la paix, honorait et cultivait les arts de l’esprit, qui donna aux lettres La Rochefoucauld, Saint-Évremond ; Saint-Simon, sans parler de Mme de Sévigné et de Mme de Lafayette, et qui, la guerre venue, s’élançait sur les champs de bataille et prodiguait son sang pour le service de la France. Voici les vers du futur vainqueur de Rocroy :

Lettre[2] pour Mgr le duc d’Enguien, écrite de Liancourt à MM. de Roussillon et de la Moussaye, à Lyon

Depuis votre départ nous goûtons cent délices
Dans nos doux exercices ;
Même pour exprimer nos passe-temps divers,
Nous composons des vers.

Dans un lieu, le plus beau qui soit en tout le monde,
Où tout plaisir abonde,

  1. Bibliothèque de l’Arsenal, manuscrits de Conrart, in-4oe, t. XI, p. 848.
  2. Manuscrits de Conrart, ibid.