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Normandie, à la mort de M. de Longueville, en 1663, il trancha du prince du sang, et exigea qu’on lui rendît tout ce qu’on rendait à M. de Longueville lui-même. Dur à ses inférieurs, difficile avec ses égaux, il savait parfaitement ménager son crédit et pousser sa fortune. Né protestant, il se convertit par passion pour sa femme, et aussi par politique[1]. Mme de Montausier était plus aimable, mais tout aussi soigneuse de ses intérêts. Elle est de cette école dont Mme de Maintenon est la maîtresse consommée, qui recherche plus l’apparence du bien que le bien lui-même, qui s’accommode volontiers de bassesses obscures, habilement couvertes, et met tout son soin, toute son étude à ne se pas compromettre, tandis que les ames fières et vraiment honnêtes, que la passion égare, ne s’appliquent pas tant à masquer leurs fautes, insouciantes de la réputation, quand la vertu est perdue. Mme de Montausier s’occupa surtout de sa considération. Elle eut la confiance du roi. Elle devint duchesse. Son sort a été brillant ; a-t-il été heureux ? Elle se brouilla et se raccommoda plus d’une fois avec Mme de Longueville, selon les circonstances. Elle mourut en 1671, après sa mère, la noble marquise, décédée en 1665, et elle a été enterrée comme elle dans ce couvent des carmélites de la rue Saint-Jacques, où la plupart des amies de Mlle de Bourbon semblaient s’être donné rendez-vous pendant leur vie ou après leur mort.

Mlle de Montmorency-Boutteville, Angélique-Isabelle[2], annonça de bonne heure une beauté du premier ordre qu’elle conserva jusqu’à la fin. Sa cadette, Marie-Louise, lui cédait à peine en beauté, et seulement comme à son aînée, dit Lenet ; elle épousa le marquis de Valençay, et disparut, dix ans avant sa sœur, en 1684. Isabelle de Montmorency avait beaucoup d’esprit, et elle joignit à l’éclat de ses charmes d’abord une grande coquetterie, ensuite les plus honteux artifices. Elle débuta par un roman et finit par l’histoire la plus vulgaire. Protégée, ainsi que sa sœur et son frère, par Mme la Princesse, presque élevée avec Mlle de Bourbon et le duc d’Enghien, elle fit ou parut faire quelque impression sur celui-ci ; mais elle enflamma surtout le beau et brave Dandelot. Mme de Boutteville refusa de lui donner sa fille, parce qu’il était protestant et simple cadet, son frère aîné, Coligny, devant succéder à la fortune et au titre des Châtillon, mais, après la mort de Coligny, Dandelot, qui prit son nom, se sentant appuyé par le duc d’Enghien et par sa sœur, enleva Mlle de Boutteville, bien entendu avec son

  1. Tallemant, t. II, p. 243 : « Notre marquis, voyant que sa religion est un obstacle à ses desseins, en changea. Il dit qu’on se peut sauver dans l’une et dans l’autre ; mais il le fit d’une façon qui sentait bien l’intérêt. »
  2. Tout le monde l’appelle Élisabeth, mais elle ne signe jamais Élisabeth, presque toujours Isabelle. Voyez plusieurs de ses lettres autographes parmi les papiers de Lenet à la Bibliothèque nationale.