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mouillage, la ville de Callao n’offre rien de remarquable : c’est une ligne monotone de maisons grises bâties au niveau de la mer et à peine dominées par le clocher carré et trapu de l’église. À l’extrémité sud de la ville apparaît, sur le même plan, la blanche maçonnerie de deux forts à front circulaire, reliés entre eux par une série de batteries disposées, selon les accidens du terrain, pour battre la baie et la plupart des points de débarquement. La plaine s’étend de l’est au nord, mouchetée çà et là de bouquets d’arbres et traversée par le Rimac, qui vient se dégorger dans la rade sur la droite de Callao ; puis au loin, à l’extrémité d’un ruban de verdure tracé par le cours fertile de la rivière, on voit s’élever, au milieu de longs et noirs massifs de saules, les nombreux clochers de Lima, violets ou vermeils, suivant les jeux de la lumière. Plus loin encore, de hautes montagnes énergiquement accentuées déchirent les nuages et enfoncent dans les profondeurs de l’horizon leurs divers plans bleuâtres et incertains.

Dès qu’il nous fut permis de communiquer avec la terre, je me fis débarquer sur un môle en des compagnies de travailleurs nègres ou indiens empilaient en chantant nombre de caisses et de ballots que des chariots plats, glissant sur un chemin de fer, emportaient vers les magasins de la douane. Quelques soldats débraillés et sordides, vêtus de fracs gris à paremens verts et coiffés d’une sorte de bonnet blanc qu’un ruban vert nouait à la base comme la fontange de nos pères, surveillaient l’opération avec un laisser-aller plein de mansuétude, qui nous parut fort engageant pour les fraudeurs. L’activité régnait partout ; les chaloupes et les barques arrivaient à la file, chargées outre mesure, et se heurtaient en désordre au fond de l’anse que le môle contourné en demi-fer à cheval ménage entre ses murs et la terre pour faciliter les opérations de débarquement. Les matelots étrangers juraient par tous les diables, les ouvriers du port leur ripostaient en invoquant tous les saints ; les grues et les palans soulevaient, avec d’horribles grincemens, des fardeaux énormes, et le môle, déjà encombré de caisses de fer et de chaudières à vapeur, disparaissait sous un amas de colis étrangers. Ce mole est l’un des plus beaux ouvrages accomplis sous la vice-royauté de don Antonio Amat.

La principale rue de Callao, la plus commerçante et la plus fréquentée, court parallèlement au rivage ; elle est pavée de galets fichés en terre comme des oeufs sur leur pointe. Les maisons qui la bordent, construites en adobes[1], ont pour couvertures de simples nattes disposé sur un lit de roseaux et revêtues d’une couche de chaux destinée à garantir l’intérieur contre l’humidité des brouillards et contre les rayons du soleil. Ces demeures n’ont en général qu’un étage, dans

  1. Briques cuites au soleil.