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impressions. La circonstance était favorable. Quand on veut d’un coup d’œil saisir la vie liménienne dans son aspect le plus original, c’est au milieu d’une fête religieuse qu’il convient d’arriver à Lima, et c’est à la Plaza-Mayor qu’il faut courir.

Le spectacle qu’offrait cette place le jour de notre arrivée ne trompa point notre attente. La foule affluait par toutes les rues avoisinantes. Comme un essaim de papillons dispersé par accident, des femmes pimpantes et coquettes, étalant aux regards les plus violentes nuances du satin et de la soie, diapraient la vaste place et convergeaient toutes vers la cathédrale, festonnant les degrés du pérystile ou suspendant aux portiques leurs grappes vivantes. Pour la première fois, depuis notre départ de France, nous avions sous les yeux une ville et une population vraiment originales, et ce spectacle nous surprenait d’autant plus, qu’il s’offrait à nous presque aussi brusquement que si nous avions vu se lever le rideau d’un théâtre de Paris sur une ville espagnole du XVIe siècle, animée par un peuple de convention.

La Plaza-Mayor, ménagée au centre de Lima, si l’on comprend dans la ville le faubourg de San-Lazaro, forme un carré parfait, dont la cathédrale et l’archevêché occupent le côté oriental ; au nord se trouve le palais national, résidence ordinaire du président de la république ; les deux autres côtés sont remplis par des maisons particulières, dont l’étage supérieur, orné de balcons fermés assez semblables à des bahuts sculptés et peints appliqués contre les murailles, vient s’appuyer sur des galeries (portales) où des négocians, étrangers pour la plupart, étalent les produits de l’industrie européenne. Au milieu de la place s’élève une fontaine de bronze, surmontée d’une Renommée dont le pied sort d’un panache liquide, qui se brise en tombant sur deux plateaux d’inégale grandeur et vient remplir une large vasque. La cathédrale, gracieux monument de la renaissance, est flanquée de deux tours enrichies, comme le reste de la façade, de colonnettes, de niches, de statues et de balcons. Tout l’édifice est badigeonné de couleurs où dominent le rose, le vert, le jaune et le bleu. Le palais national est aussi revêtu d’une couche d’ocre jaune d’aspect assez maussade ; les piliers des portales sont couverts d’une couche de rouge de brique quant à l’étage qui les surplombe, vigoureusement nuancé de tons brûlés et violâtres, il est occupé dans sa plus grande partie par les balcons de bois dont nous avons parlé, sortes de boîtes mystérieuses peintes en vert-bouteille et en rouge brun. Qu’on imagine maintenant ce tohu-bohu de couleurs heurtées, criardes et fausses éclairé par un ardent soleil, que l’on jette dans ce vaste cadre ainsi bariolé une foule éblouissante, — et on aura une faible idée du spectacle qu’offre la Plaza-Mayor de Lima un jour de fête et de soleil.

La soie et le satin sont les seules étoffes que les Liméniennes ne dédaignent