Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont d’égoïste et d’étriqué, ne sont pas sensiblement parvenues à tempérer une vertu dont les étrangers connaissent tout le prix.

L’ameublement liménien est en général d’une extrême simplicité quelques canapés de crin, des chaises, des tabourets, un tapis ou des nattes de joncs tressés, un piano, un guéridon supportant un bouquet fraîchement cueilli ou un plat d’argent rempli d’un mélange de fleurs effeuillées, forment tout le luxe de la pièce principale, qui est élevée et dont les ouvertures sont disposées de façon à combattre, par des courans d’air, les ardeurs du climat. Les fenêtres basses sont fermées par de légers treillis, quelquefois aussi par une série de petits barreaux peints en vert. La chambre à coucher renferme ordinairement toutes les élégances du mobilier. Les glaces sont rares et de petite dimension ; les tentures, les draperies et les mille superfluités qui transforment en bazars nos demeures françaises, sont peu communes à Lima, où elles sembleraient au reste une anomalie avec le climat et les habitudes du pays. Les femmes mariées et les jeunes filles indistinctement reçoivent les visiteurs, et l’introduction d’un étranger, bien qu’inattendue, ne semble jamais ni les surprendre ni apporter parmi elles la moindre contrainte ; elles lui l’ont un accueil avenant et simple et l’autorisent presque, dès le début, à laisser de côté les fadeurs gourmées du cérémonial, de sorte qu’à la fin de la première entrevue il se trouve aussi à l’aise que parmi d’anciennes connaissances. Pour compléter l’illusion, son nom de baptême, que l’euphonie liménienne revêt d’un charme tout particulier, réjouit son oreille à chaque interpellation. Le visiteur, de son côté, qu’il ait devant lui une jeune fille ou une matrone de l’âge le plus avancé, ne doit jamais manquer d’appliquer à son interlocutrice les substantifs de señorita (mademoiselle) et de niña (petite). Les Liméniennes sont d’autant plus sensibles à cette flatterie exagérée, que jamais femmes au monde n’ont, on l’assure, supporté avec moins de résignation l’implacable envahissement des années. Aussi, pour en dissimuler l’irréparable outrage, ont-elles souvent recours aux cosmétiques les plus exceptionnels, et quelquefois même aux plus ridicules stratagèmes.

L’épithète espagnole bonita (jolie) est généralement consacrée, quand on parle des Liméniennes. On en voit peu, en effet, qui atteignent à la hermosura (beauté complète). Plutôt petites que grandes, elles sont sveltes et bien proportionnées. Dans leur visage aux traits réguliers et fins éclatent, au milieu d’une pâleur qui n’a rien de maladif, et sous l’arc régulier des sourcils, des yeux noirs d’une mobilité fiévreuse et d’une puissance d’ojeadas sans rivale. Leurs mains et leurs pieds, qui font leur orgueil, ont toute la perfection désirable. La Liménienne a conservé pour son pied une sollicitude qui, au commencement du