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figurait au premier rang l’intrépide vainqueur de tant de batailles, avaient cru devoir conseiller au roi de ne pas se rendre, comme il l’avait promis, à une fête de l’hôtel-de-ville. Ce qu’on craignait en réalité, c’était qu’en présence même du souverain, l’impopularité des ministres ne donnât lieu à des scènes de désordre qui auraient compromis à la fois l’ordre public et la majesté royale ; mais les esprits troublés se persuadèrent qu’on avait découvert une grande et formidable conspiration. Une véritable terreur se répandit dans tout le pays.

La lutte s’engagea dans le nouveau parlement. Le ministère, en choisissant pour faire la première épreuve des forces respectives une question de liste civile, semblait s’être ménagé des chances d’autant plus favorables, que l’opposition, si long-temps exilée du pouvoir par les ressentimens personnels de George IV, était évidemment préoccupée de la pensée de ne pas s’aliéner aussi son successeur. Néanmoins, contre toute attente, à l’inexprimable étonnement des vainqueurs comme des vaincus, une majorité de 29 voix, en adoptant un amendement proposé par les whigs, prouva que le cabinet ne possédait pas la confiance de la chambre des communes. Ce résultat n’aurait peut être pas eu lieu, si quelques ultra-tories, qui voulaient, non pas renverser le ministère an profit des whigs, mais lui donner une leçon, n’eussent uni leurs votes à ceux de l’opposition, qu’ils croyaient par là rendre un peu plus nombreuse sans lui assurer pourtant la victoire ; mais, dans l’état des choses, on peut penser que la défaite du duc de Wellington et de ses collègues, eût-elle été différée, n’en était pas moins inévitable, et qu’en gardant plus long-temps le pouvoir ils eussent augmenté les probabilités d’une révolution.

Quoi qu’il en soit, le vote de la chambre fut immédiatement suivi de leur démission, et les whigs se virent appelés à composer le gouvernement, auquel, comme parti, ils avaient été étrangers depuis la mort de Fox. Ce qui restait encore des amis de ce grand homme, lord Grey, lord Holland, lord Landsdowne, se partagèrent avec des hommes d’une célébrité plus récente, tels que lord Althorp, lord John Russell et l’illustre Brougham, les départemens ministériels et les grands emplois administratifs.

Le nouveau cabinet, obéissant moins encore à ses principes et à ses antécédens qu’à la toute-puissance de l’opinion, présenta, le 1er mars 1831, à la chambre des communes, un bill de réforme dont la hardiesse étonna tous les esprits. Ce n’était pourtant pas une conception radicale : ni le principe du suffrage universel, ni celui du vote au scrutin secret, ni celui de l’abréviation de la durée des parlemens, ces trois points de mire des réformistes absolus, n’y étaient consacrés ; on n’avait pas même cherché à lui donner pour base une proportion exacte entre le nombre des représentés et celui des représentans de chaque fraction