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elles-mêmes, pour lesquelles le bill ne faisait rien, restèrent fidèles au mot d’ordre général. Lorsqu’un parti tout entier est capable d’apporter autant de persévérance, d’énergie, de modération et d’habileté à la conquête d’un droit politique, il est digne de l’obtenir, et on n’a aucun motif sérieux de le lui refuser, parce qu’il y a tout lieu de penser qu’il n’en abusera pas.

Je ne raconterai pas en détail tous les incidens de la mémorable lutte qui précéda et décida ce grand résultat ; il me suffira d’en rappeler sommairement les phases principales.

Le bill, après des débats aussi longs que passionnés, fut rejeté par la chambre des communes, le 19 avril, à la majorité de 299 voix contre 291. Les ministres avant, sans trop de peine, obtenu du roi, déjà ébranlé cependant par les représentations des tories, la dissolution de cette assemblée, le corps électoral, celui-là même qu’il s’agissait de réformer, se laissant emporter par l’entraînement général, nomma une nouvelle chambre dont l’immense majorité était favorable à la réforme. Le bill, adopté par elle, échoua à la chambre des lords. Les communes l’ayant voté de nouveau, il fut présenté une seconde fois à la chambre haute, qui, intimidée par les violentes démonstrations du mécontentement populaire, crut devoir changer de tactique, et, tout en se résignant à une large modification du système électoral, apporter au projet ministériel des amendemens considérables, dont le premier effet eût été de rendre inévitable la retraite du cabinet. Un vote, en quelque sorte préliminaire, ayant révélé ce plan de campagne, les ministres, pour le déjouer, demandèrent au roi l’autorisation de créer un nombre de pairs suffisant pour changer la majorité. Sur le refus de Guillaume IV, ils donnèrent leur démission, et le duc de Wellington essaya de former un ministère tory ; mais cette tentative, à laquelle la prudence de sir Robert Peel refusa de s’associer, dut être abandonnée devant les témoignages de plus en plus énergiques de l’exaspération du sentiment public. Le roi se vit forcé de rappeler les whigs en se mettant à leur discrétion, et, le duc de Wellington lui-même ayant reconnu l’impossibilité de continuer, sans danger pour la paix publique, une résistance déjà trop prolongée, la chambre des lords donna enfin, le 4 juin 1832, son assentiment forcé à la grande mesure qui, depuis deux ans, était presque devenue la seule affaire du pays. Ainsi fut consommée cette révolution légale, ou, pour parler plus exactement, ainsi fut prévenue, par une réforme devenue nécessaire, la révolution qui menaçait la Grande-Bretagne.

Tel est le sujet du livre que M. Roebuck, membre du parlement, vient de publier sous le titre d’Histoire du ministère whig de 1830 jusqu’au vote du bill de réforme. Écrit, comme je l’expliquerai tout à l’heure, dans un esprit qui, à mon avis, en fausse à plusieurs égards