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chose que l’avantage de leur propre parti, je ne vois pas de raisons de le penser. Que dans un sens ils se soient exagéré les effets de la mesure, que sous un autre rapport ils ne les aient pas tous prévus, c’est ce que prouve, selon moi, leur conduite subséquente. Ils se les sont exagérés en croyant qu’ils avaient réellement anéanti la puissance politique de leurs adversaires et établi solidement leur propre suprématie, comme aussi en se persuadant qu’ils avaient procuré une force dangereuse à ce qu’ils appelaient alternativement le parti républicain et le parti démocratique. Ils ont, en sens contraire, méconnu la portée et l’influence du nouvel acte lorsqu’ils ont supposé qu’à l’avenir les luttes dans la chambre des communes auraient lieu entre eux-mêmes, représentant la monarchie, l’aristocratie, la richesse et l’ordre, et un parti peu nombreux, mais violent et actif, de républicains et d’anarchistes. Le bill de réforme ne leur a pas donné l’ascendant sur lequel ils comptaient ; il n’a pas créé ce parti violent et républicain. Cependant le changement qu’il a produit, sans être ce que ses auteurs attendaient, a été immense et de nature à affecter matériellement l’existence à venir du parlement. Depuis la réforme, la lutte n’a pas eu lieu dans la chambre des communes entre les propriétaires et les prolétaires, mais entre les possesseurs de diverses espèces de propriétés, entre les propriétaires fonciers d’une part, et de l’autre ceux des manufactures.

« Les nouveaux intérêts manufacturiers qui, dans l’espace du dernier demi-siècle, avaient acquis une si grande importance, ont obtenu pour la première fois une voix et sont devenus une puissance dans la chambre des communes ; les grands et puissans corps électoraux que le bill appelait à l’existence ont, en réalité, fait pénétrer dans cette chambre un esprit tout nouveau ; les représentans des communes ont subi des influences qui, jusqu’alors, leur avaient été, sinon inconnues, au moins insensibles. L’effet de ces influences n’a pas encore été constaté tout entier ; mais il faudrait être un observateur bien peu attentif pour ne pas reconnaître que le but de notre législation diffère grandement aujourd’hui de ce qu’il était avant 1832. Les opinions de classes nombreuses dont on n’avait jusqu’alors tenu aucun compte, parce que ces classes étaient placées en dehors de toute action politique, sont devenues, depuis le vote du bill, l’objet d’une attention sérieuse, et un parti, auquel on a donné la désignation significative de parti de Manchester, est apparu pour la première fois dans la législature, où sa destinée est de voir croître continuellement son importance et de partager un jour la direction du pouvoir avec ces partis aristocratiques qui en ont eu jusqu’à présent le monopole. Cependant les représentans des classes manufacturières, dans leur inexpérience de la politique, se présentèrent d’abord au parlement comme les adhérens de l’administration existante ; tout leur poids, toute leur influence, furent employés