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avec un zèle enthousiaste à soutenir, à fortifier son pouvoir, et jamais plus humbles, plus dociles suivans ne s’étaient abandonnés à la conduite d’un ministère. Le temps cependant ne pouvait manquer de mettre en jeu les intérêts réels de la classe qu’ils représentaient, et le ministère, qui voulait conserver leur appui, était obligé d’accorder une attention incessante aux besoins, aux voeux, aux préjugés même de ces nouveaux et importans adhérens. Les whigs ne tardèrent pas à s’apercevoir de l’erreur grave qu’ils avaient commise en croyant leur empire définitivement affermi, et ils se trouvèrent encore une fois contraints de prendre le caractère d’un parti chaudement libéral, de chercher leur appui dans la nouvelle section d’hommes politiques que leur bill avait amenés à la chambre des communes. En fait, depuis ce moment, les chefs du parti whig et ceux du parti tory ont également senti et subi l’influence de ce nouveau pouvoir dans l’état. »

Cette appréciation, dégagée des formes et des inductions radicales qui caractérisent la manière de M. Roebuck, me paraît être bien près de la vérité : elle indique très nettement la modification que le bill de réforme a apportée à la composition de la chambre des communes. Les bases de la constitution n’ont pas été ébranlées, la position des pouvoirs et même leurs élémens essentiels sont restés les mêmes ; mais à côté des influences territoriales, seules dominantes jusqu’alors, une influence nouvelle dont la puissance avait trop considérablement grandi pour qu’on pût sans injustice et sans danger persister à ne pas en tenir compte, l’influence industrielle, a été admise à prendre place dans la représentation nationale. Elle y a été admise non pas triomphalement, exclusivement, de manière à tout assujétir et à faire une véritable révolution, non pas dans la proportion exacte de ses progrès et de ses forces réelles, mais dans une proportion modeste, qui, tout en l’initiant à la vie politique et à l’expérience des affaires, tout en la mettant en mesure de jeter dès-lors un poids dans la balance, ne lui donne, pour le moment, ni la possibilité, ni la tentation de chercher à se rendre dominante. C’est trop peu aux yeux des utopistes du radicalisme, c’est trop encore aux yeux des conservateurs absolus. À les entendre, l’esprit., la physionomie de la chambre des communes, seraient complètement changés ; le ton de ses discussions, l’aspect même de l’assemblée, suffiraient pour attester qu’elle se recrute aujourd’hui en grande partie dans des rangs moins élevés que ceux dont elle sortait il y a trente ans ; ils vont jusqu’à regretter de ne plus y voir en aussi grand nombre ces rejetons des puissantes familles dont l’extrême jeunesse, l’élégance, la frivolité même, étaient, dans l’enceinte législative, autant de démonstrations vivantes de la toute-puissance de l’aristocratie. Ces regrets, ces objections, même en ne les prenant que dans ce qu’ils ont de sérieux, me paraissent peu fondés. Prétendra-t-on que le parlement dût garder à jamais son ancienne organisation, alors