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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juin 1852.

Il n’est point aussi simple qu’on le pense de secouer tout à coup le poids d’une époque révolutionnaire. Avec la meilleure envie, on n’en est point quitte, parce qu’on se réveille un jour en se sentant délivré de quelques-unes des plus sombres perspectives qu’elle ouvrait. Quand une révolution a eu l’imprudence de placer devant elle comme des étapes sinistres des points fixes où de son propre aveu elle doit fondre de nouveau sur le pays, il est assez naturel que, suffisamment averti, on ne se pique pas trop d’arriver à ces étapes, et qu’on se laisse conduire par d’autres routes. Un coup hardi change l’avenir, mais on ne supprime point également le passé ; il en subsiste toujours quelque chose à travers toutes les transformations, ne fût-ce que les résultats accomplis et les malheurs irréparables. Les conséquences de ce passé se manifestent sous bien des formes diverses ; mille circonstances viennent en raviver sans cesse le souvenir et en faire un des élémens du présent. C’est là ce que nous nous disions en présence de quelques-uns des incidens les plus récens.

Le propre de la révolution de février n’est point d’avoir été sanglante de propos délibéré et d’avoir renouvelé les assises du meurtre d’autrefois. On peut lui rendre cette justice même aujourd’hui. Les morts qu’elle a laissés, c’est dans des jours de bataille qu’ils ont péri, ce qui, à tout prendre, est plus viril et plus digne d’un peuple. Son caractère essentiel plutôt, c’est d’avoir atteint immédiatement, profondément les sources mêmes de la vie morale et matérielle du pays. Sous ce double rapport, elle a laissé des traces qui lui survivent, et qu’il est facile de suivre dans l’ensemble des signes contemporains ; elle a légué un héritage que nous n’avons point malheureusement la liberté de n’accepter en tout que sous bénéfice d’inventaire, et dont la ruineuse liquidation n’est pas près de finir. Il se juge depuis quelque temps dans les départemens du midi une foule de procès qui sont, en vérité, le document le plus instructif sur la moralité des propagandes révolutionnaires, et qui offrent le plus saisissant témoignage